"Juju,
Si je prends la peine de
t’écrire, c’est que l’heure est grave, tu t’en doutes. Je ne te ferai pas
l’affront littéraire de te dire que mon petit cœur saigne, qu’il me coûte de
tremper douloureusement la pointe de mes talons dans l’encre de mes larmes
(allez Baudelaire, à la niche) mais on en n’est pas loin. Et s’il te reste un
peu d’estime de toi et d’amour pour moi, tu écouteras cette plainte, déclamée depuis la commode Ikea dans laquelle, ingrate, tu m’as définitivement
abandonnée. Abandonnée, c’est le mot.
Progressivement. Tout d’abord tu m’as imposé de nouveaux voisins, ces grolls
ignobles trônant en chef sur les peutons berlinois. J’ai d’abord cru que tu te
mettais au cirque, un numéro clownesque entre le freak show à venir d’American Horror Story et un retour à tes 12 ans. Et puis tu t’es mise à les porter de
plus en plus régulièrement : soit le musée des horreurs marchait du
tonnerre, soit quelque chose de plus grave se tramait dans ta vie. Dans les deux cas, j’étais soucieuse. Et puis tu as fini par ne plus me porter.
Malgré la douleur que m’inflige ta perte, ô perfide, c’est pour toi tout d’abord que je m’inquiète. Parce que ce changement ne signifie qu’une chose à mon regard éploré : tu es lâche, tu es faible, tu es comme les autres, tu as capitulé. Certes, il a fallu te remettre de ce mensonge berlinois qui t’a fait croire qu’on ne te jugerait jamais – et surtout pas sur l’apparence – , que tout était trop cooooool man, et qu’ici-bas régnait sans partage la McDonald mood « venez comme vous êtes ». Ha ! Tu as rapidement réalisé que cette mascarade n’était que discrimination inversée (les aficionados du Berghain, s’ils descendaient 2 secondes de leur shetland, en témoigneraient) : la sophistication vestimentaire dans la capitale pauvre
Depuis quand accordes-tu de l’importance au point de vue du hipster
Et au-delà de cette perdition, comment
as-tu pu me faire ça à moi, cruelle? Est-ce que ces années de bons et
loyaux services ne sont rien pour toi ? Moi qui pensais que l’oubli était
l’apanage du masculin… Et pour quoi ? Pour des sneakers ! Nous avions
tout fait ensemble, j’étais ta relation la plus durable, la plus stable :
2 fois chez le cordonnier en 5 ans (pas sûre que tu puisses en dire autant des
losers qui remplissent ton dossier « amoures ». Il aurait fallu plus
que deux séances de psy pour que ça fonctionne, crois-moi). Je t’avais
accompagné fidèlement, bonne poire infaillible que j’étais, cédant à tous tes caprices, te permettant au passage de choper de la bombasse de compet' (oui, parce que sans moi tu fais petite maigrelette, qu'on se le dise. Avec le cul remonté de 10 cm, tes jambes filiformes ont quand même plus de gueule. Je te sublime, ma chérie). Je t'ai supporté, fière comme Artaban, aussi
bien au VIP Room que sur l’électro du 6B. Le 6B meuf, merde ! J’ai même accepté
ça pour toi ! Quoi ? Qu’entends-je ? Tu voulais « m’épargner » ? Mais crois-tu réellement, mécréante, qu’après des combos de la mort Concrete, Social Club,
Machine et soirées 75021, le Kater, le PanoramaBar ou le Watergate, ces endroits branchouille à
la musique molle allaient me faire peur ? J’aurais peut-être tiqué sur la
cave du Trésor, ET ENCORE (ne me fais pas l’affront de me citer le
Berghain : la levrette contre un mur des darkrooms passe nettement
mieux perchée sur des échasses fancy. Classe & propre, t’es pas d’accord ?) ! J’étais là, avec
toi, ton soutien, ton roc. J’ai fait Gesaffelstein, Asap Ferg, Bro Safari et 16bit
moi madame ! J’aimerais bien savoir si tes sneakers peuvent en dire
autant !
Sache que si tu me reviens – et
tu me reviendras nécessairement, sombre connasse, au moins lors de ton retour à
la mère patrie, quand tes vraies amies se seront raillées de toi et de ta
dégaine de clocharde trop cooooool – mon courroux ne sera que modéré. Certes,
tu souffriras quelques jours, tes pieds délicats transformés en sabots de poney
sauvage des steppes de la lointaine Toundra en bavant sur le pavé hype parisien.
Et oui, la féminité ça se travaille. Mais je ne me ferai boudeuse que
momentanément, promis.
Je t’aime toujours, mais tu me
fais mal au cœur. Appelle-moi. Reviens-moi. Surtout, reviens toi à toi même. On ira se la raconter sur Friedrichstrasse. A Dieu ne plaise que tu ne t'enlises dans ta relation adultère avec
tes Converse.
Bisou
bravo !!! les hipsters sont entrain de tuer Berlin
RépondreSupprimeroué bi1 di !
Supprimerles parisiens surtout
RépondreSupprimerJ'ai rien compris...
RépondreSupprimer