samedi 5 juillet 2014

#Interview - Prune de Plumaberlin et Croque Monsieur

Aujourd'hui article cool, zen et débordant d'amour comme nous n'en faisons, bah, jamais. Comme nous l'a enseigné une chanteuse française avec plein de Z dans son prénom (NON, pas Zaz. C'est tout le crédit que tu m'accordes lecteur, sérieusement?!), on écrit majoritairement sur ce qui ne va pas ; j'avais exceptionnellement envie de lui donner tort en laissant la parole à ma blogueuse préférée, Prune.
J'ai rencontré Prune dans le cadre d'un entretien au Bösen Buben Bar (je tairai les détails mais ça avait à voir avec le couple franco-allemand. DEJA). Les 30 minutes initialement prévues s'étaient vite muées en heures et la discussion s'était révélée à l'image de ses écrits : stimulante, drôle et mordante.
Prune, c'est l'archétype de la française dans le meilleur sens du terme, la panoplie que je voudrais sortir à chaque fois que j'essaie de définir le bon coté de la Force de l'animal frenchy auprès de mes potes internationaux (ouais, trop citoyenne du monde) : pétillante, belle, brillante. Et drolastique, bien entendu.  Elle a longtemps écrit une chronique mi-cru/mi-cul sur le mâle berlinois en dessous du ceinturon 'croquemonsieur' publiée d'abord par berlinpoche puis sur le tumblr éponyme. Avant que le web ne soit le summum du swagg, elle sévissait également sur la vie sexuelle de nos voisins européens (son blog EUrotik hébergé par cafebabel.com a même été récompensé en l'an de grâce 2007 par un Wurst Award -oui c'est son nom- lors du concours annuel Best of Blogs de la Deutsche Welle; à savourer ICI). Mais à l'opposé d'une Carrie Bradshow inexistante au dessus de la culotte, quand Prune ne dé-blogue pas (ou ne dispense pas de masterclass), elle collabore avec Madame Figaro, Elle, Le Monde Magazine, Médiapart, Arte...sur des sujets sérieux ayant pour trait commun un intérêt débordant pour l'Europe de l'Est.

Au delà de mon admiration pour son travail, Prune m'a appris à aimer Berlin. Il y a toutes ses bonnes adresses bien entendu, mais il y a surtout son regard au vitriol sur la ville ; il y a aussi ses propres interrogations quant au futur de sa vie berlinoise. Il y a son caractère passionné aussi bien quand elle me parle du nouveau féminisme made in Eastern (non, pas de blondes sein nus qui crient fort) que du social freezing (« c'est le next step vers le contrôle total de notre corps. C'est fabuleux ! Non ? Non mais y'a que moi qui trouve ça fabuleux ?! ») ou les armes héritées de la 2nde GM délaissées dans la Baltique (focus dans Géo à venir). Et puis très égoïstement, j'aime quand elle m'écoute rageusement élucubrer sur des mecs, des meufs, Berlin, avec beaucoup de sérieux comme si cela avait de l'importance, surtout à mon âge ; j'aime encore plus ses réponses, quand elle me fait soigneusement partager ses propres expériences improbables, sans la condescendance que je pourrais légitimement me manger dans la figure. Et par dessus tout j'adore entendre cette phrase, oscar de la meilleure conclusion possible à 98,6% des déboires relationnels (sondage IFOP) :« laisse tomber : celui là, une vraie pute du désert ». Avec Prune, peu importe dans quelle humeur j'ai abordé le verre, j'en ressortirai toujours avec des crampes au ventre à force de rire. Enjoie.



Qui est Prune en quelques mots?
Journaliste un jour, journaliste toujours.

Quand es-tu arrivée à Berlin ?
Mai 2008.

Pourquoi Berlin ? Que préfères tu dans la ville et qu'on ne trouve pas ailleurs ? Qu'est ce que tu aimes le moins ?
Berlin, comme la porte vers l'Europe de l'Est et l'ancien espace soviétique, une zone de fracture qui m'a toujours fascinée depuis ma première visite ici en 2000.
+ L'horizon des possibles.
_ L'univers infini de la glande.

Vois-tu un changement entre le moment où tu es arrivée et maintenant ?
Tout le monde dit ça, même ceux qui vivent ici depuis 2 mois. La ville se transforme constamment et c'est perturbant quand tu commences à vouloir te fixer. Vivre ici, c'est comme être atteinte d'Alzheimer, je perds mes repères constamment. Je suis arrivée dans une capitale en campagne, et aujourd'hui, Berlin se mue en métropole avec tous ses emmerdements subséquents - devoir réserver au restaurant, des embouteillages, des touristes, des loyers qui grimpent, de la branchitude-.

Comment as-tu débuté ta carrière de journaliste ? 
Des tonnes de stages. En presse locale puis nationale. Puis un CDI pour un site web qui s'appelle cafebabel qui était un peu "l'auberge espagnole du journalisme". J'adore repenser à cette période vers 2005-2006 où les "vrais journalistes" du microcosme parisien voyaient le web comme un petit "hobby" d'étudiants naïf. On m'a refusé ma carte de presse pendant des années au motif que "l'Internet" n'était pas considéré comme un média.

Tes articles abordent des thèmes très divers : comment les classifierais tu ?
J'essaie de ne pas me limiter, je choisis de traiter des sujets qui me touchent. Avec le recul, je réalise souvent que certains articles ont une résonance particulière par rapport à un événement que j'ai pu vivre ou m'apportent des éléments de réponse sur des interrogations que je peux avoir. Mais j'adore aussi écrire des trucs drôles et un peu cyniques, c'est pour cela que je me lâche davantage sur les posts de blogs.

Outre les récits de voyages improbables, j'ai toujours adoré la manière hyper caustique dont tu traites la problématique du couple. Est ce que ton expérience berlinoise t'inspire ? De quelle manière ? Sens tu toujours le poids des différences culturelles ?
J'ai largement puisé dans mon expérience personnelle et dans celle de mes copines pour écrire la rubrique Croque Monsieur, parue tous les mois dès 2008 dans le magazine Berlin Poche. On a beau être voisins, plus je vis ici, plus le fossé entre Allemands et Français me semble énorme. Longtemps, j'ai cru que Berlin n'était pas l'Allemagne et peut-être. Mais quand tu commendes à vivre ici au-delà de 6 mois Erasmus, à t'installer ici, tu remarques que l'administration, chez le médecin, avec les impôts, c'est différent. Tant au niveau de la société que des mentalités: c'est un truisme de dire ça, mais ils sont vraiment nordiques alors qu'on se complaît dans notre côté latino. J'ai parfois l'impression de vivre ici une expérience de dressage, dès que tu fais un pas de travers, hop, tu as quelqu'un/un flic/un passant/ qui te rappelle à l'ordre. Les Mahnung -amendes- dès que t'as un jour de retard pour payer tes factures, la Schufa, les feux rouges : au début ça m'amusait, maintenant, j'ai du mal avec le fait de ne pas avoir le droit à l'erreur ou à l'arnaque.

Féminisme à la française VS féminisme allemand: qu'en penses-tu ? 
Les Allemandes de l'Est sont restées très féministes comparées à leurs homologues de l'Ouest. Je les trouve plus émancipées -que ce soit par rapport au regard des hommes qu'à l'idée qu'elles se font de leur rôle- que nous. Après les Allemandes ont souvent tendance à considérer que féminité et féminisme sont incompatibles.

Le berlinois, on en dit quoi ? De ton point de vue et au travers les expériences que tu récoltes, y a t il un modèle relationnel particulier ?
Le berlinois est difficile à ferrer et si je me réfère aux modes de vie à Paris ou ailleurs, je constate que certaines copines célibataires féminines morflent pas mal ici. Un certain idéal berlinois prône la liberté à tous crins et sacralise donc la non relation, la non beziehung. A Berlin, le choix de vie/partenaires est tellement énorme que l'engagement est difficile. Or grandir, c'est aussi choisir. Une raison qui explique que beaucoup restent des Peter Pan jusqu'à l'âge du déambulateur. Mais je dirais que c'est peut-être une caractéristique de la génération Y, cette hésitation à s'engager vraiment et la peur de se retrouver coincé. En positif, c'est l'envie d'inventer sa relation au-delà de schémas disons plus traditionnels.

A part Berlin, tu travailles beaucoup sur les pays de l'ancien bloc soviétique : des raisons pour cette affinité particulière ?
Je vivais à Budapest quand les dix nouveaux pays de la jeune Europe ont intégré l'UE continent en 2004. Partout dans les rues c'était la fête, les gens sortaient et célébraient. A l'Ouest, on ne parlait que du danger du 'plombier polonais' ou de l'infirmière bulgare. Or, le processus de transition qui se déroule depuis 1989 dans ces pays au cœur de l'Europe est fascinant : des populations entières sont nées dans un pays qui n'existe plus, sans racines, comme apatrides et se retrouvent à chercher un équilibre entre valeurs européennes et legs soviétique. En novembre, on célébrera les 25 ans de la chute du Mur de Berlin, 25 ans, c'est l'âge d'une génération. Ce que je vois souvent dans mes reportages c'est l'émergence d'une jeunesse hybride, entre deux modèles, biberonnée au turbo-capitalisme et élevé par des parents nostalgiques. Un sacré mélange !

Dans un de tes articles, tu parlais d'un nouveau féminisme venu de là-bas; quelles sont ses caractéristiques ?
Dans les pays post-socialistes, l'effondrement du communisme -et sa relative égalité des sexes- a été supplanté par un retour de l'Eglise orthodoxe et à des sociétés en transition. On connaît les Femen ukrainiennes ou les Pussy Riot moscovites mais ces groupes bruyants, adeptes du 'sextremisme' et de la provoc ne sont que la face émergée de l'iceberg d'un mouvement de société plus global et d'une interrogation sur la place des femmes. Défendre l'IVG ou l'égalité des sexes n'a pas de sens pour celles qui sont les héritières d'un socialisme sans discriminations. Leur combat s'oriente davantage contre les violences conjugales et les réseaux de prostitution, voire se mobilisent en faveur d'éducation sexuelle ou du droit à la contraception. En outre, ces suffragettes de l'Est jouent un vrai rôle politique : elles figurent souvent aux premières loges de partis d'opposition balbutiants. de la lutte contre la corruption aux protestations contre les régimes autoritaires comme la dictature. Ce nouveau combat pour l'émancipation des femmes s'inscrit en filigrane de la lutte des anciens pays satellites pour se libérer de la tutelle du grand frère russe.

Quel avenir pour Plumaberlin et Croquemonsieur ? Quels sont tes prochains projets professionnels ?
Plumaberlin va continuer à écrire des choses affreuses sur ses amis les schleus. Et puis sinon, de la vadrouille et des reportages à droite à gauche, si possible de plus en plus longs. Des projets de docu. Et surtout un banquier sympa.


by Giulio Zucchini

La série "questions inutiles" (et ta préférée, arrête de faire genre)


Ton bar favori ?
Je suis dans ma phase de tournée des lieux anti-branchitude branlette. Donc, je vais souvent un vieux kneipe à Prenzlauer Berg dont je ne connais même pas le nom.

Ton quartier préféré ? 
Ça dépend des jours. Y'a tellement de touristes maintenant que j'aime bien aller de plus en plus am rande der stadt, et découvrir entre des quartiers inconnus comme la Trabant Stadt du 'Märkisches Viertel' de Reinickendorf. Berlin est tellement immense qu'on peut la jouer explorateur urbain et déboucher sur une ambiance village du Brandebourg au delà du Ring. Une petite virée parmi les Plattenbau me remet vite d'aplomb. Le truc de dingue quand on se balade dans les ensembles légo de Plattenbaus construits par le régime d'ex-RDA, vers Höhenschönhausen par exemple, on réalise par exemple qu'il n'y a pas un seul endroit duquel on ne peut pas être vu. Que ce soit le square au milieu ou une allée, il y a toujours une fenêtre qui permet de guetter.

Ton restaurant préféré ? 
Pasternak.

Ton magasin préféré ? 
Jamais de shopping chez les Schleus, ca me déprime.

Ton club préféré ? 
Une bonne soirée Balkan Bite -pardon-.

Ton musée préféré ? 
Naturkunde Museum.

Ton auteur allemand préféré ? 
Julie Zeh.

Ton musicien allemand préféré ? 
Kraftwerk. Falco.

Un conseil pour apprendre l'allemand sans devenir taré ? 
Une liaison torride.

Un conseil drague auprès de l'allemand ? 
Attaquer.

Ton expression/mot allemand préféré ? 
Alles klar, Herr Kommissar!

Ton insulte préférée en allemand ? 
Alte fötze.

Jette toi sur Plumaberlin ICI et Croque Monsieur ICI. Pour le reste des articles, comme je suis bonne poire je te poste celui ci que tu connais de toute façon forcément; et puis je vais pas tout te mâcher non plus, tu as Google ("vous avez de la pâte à crêpe, vous avez du sucre?")

by Juju

5 commentaires:

  1. Une superbe présentation et une interview vraiment intéressante, bravo Juju !

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  2. Falco avec un "c" était Autrichien.
    Sinon très chouette interview d'une non moins chouette blogueuse, merci.

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  3. Merci pour cette interview intéressante qui m'a fait découvrir cet étonnant personnage.

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