Aujourd'hui article cool, zen et débordant d'amour
comme nous n'en faisons, bah, jamais. Comme nous l'a enseigné une
chanteuse française avec plein de Z dans son prénom (NON, pas Zaz. C'est tout le crédit que tu m'accordes lecteur, sérieusement?!), on écrit
majoritairement sur ce qui ne va pas ; j'avais
exceptionnellement envie de lui donner tort en laissant la parole à
ma blogueuse préférée, Prune.
J'ai rencontré Prune dans le cadre d'un entretien au
Bösen
Buben Bar (je tairai les détails
mais ça avait à voir avec le couple franco-allemand. DEJA). Les 30
minutes initialement prévues s'étaient vite muées en heures et la
discussion s'était révélée à l'image de ses écrits : stimulante, drôle et mordante.
Au delà de mon admiration pour son travail, Prune
m'a appris à aimer Berlin. Il y a toutes ses bonnes adresses bien
entendu, mais il y a surtout son regard au vitriol sur la ville ;
il y a aussi ses propres interrogations quant au futur de sa vie
berlinoise. Il y a son caractère passionné aussi bien quand elle
me parle du nouveau féminisme made in Eastern (non, pas de
blondes sein nus qui crient fort) que du social freezing (« c'est le next step vers le contrôle total de notre corps.
C'est fabuleux ! Non ? Non mais y'a que moi qui trouve ça
fabuleux ?! ») ou les armes héritées de la 2nde GM délaissées dans la
Baltique (focus dans Géo à venir). Et
puis très égoïstement, j'aime quand elle m'écoute rageusement
élucubrer sur des mecs, des meufs, Berlin, avec beaucoup
de sérieux comme si cela avait de l'importance, surtout à mon âge ;
j'aime encore plus ses réponses, quand elle me fait soigneusement
partager ses propres expériences improbables, sans la condescendance
que je pourrais légitimement me manger dans la figure. Et par dessus
tout j'adore entendre cette phrase, oscar de la meilleure conclusion
possible à 98,6% des déboires relationnels (sondage IFOP) :« laisse
tomber : celui là, une vraie pute du désert ». Avec
Prune, peu importe dans quelle humeur j'ai abordé le verre, j'en
ressortirai toujours avec des crampes au ventre à force de rire.
Enjoie.
Journaliste un jour, journaliste toujours.
Quand es-tu arrivée à Berlin ?
Mai 2008.
Pourquoi Berlin ? Que préfères tu dans la
ville et qu'on ne trouve pas ailleurs ? Qu'est ce que tu aimes
le moins ?
Berlin, comme la porte vers l'Europe de l'Est et
l'ancien espace soviétique, une zone de fracture qui m'a toujours
fascinée depuis ma première visite ici en 2000.
+ L'horizon des possibles.
_ L'univers infini de la glande.
Vois-tu un changement entre le moment où tu es
arrivée et maintenant ?
Tout le monde dit ça, même ceux qui vivent ici
depuis 2 mois. La ville se transforme constamment et c'est perturbant
quand tu commences à vouloir te fixer. Vivre ici, c'est comme être
atteinte d'Alzheimer, je perds mes repères constamment. Je suis
arrivée dans une capitale en campagne, et aujourd'hui, Berlin se mue
en métropole avec tous ses emmerdements subséquents - devoir
réserver au restaurant, des embouteillages, des touristes, des
loyers qui grimpent, de la branchitude-.
Comment as-tu débuté ta carrière de journaliste ?
Des tonnes de stages. En presse locale puis nationale. Puis un CDI pour un site web qui s'appelle cafebabel qui était un peu "l'auberge espagnole du journalisme". J'adore repenser à cette période vers 2005-2006 où les "vrais journalistes" du microcosme parisien voyaient le web comme un petit "hobby" d'étudiants naïf. On m'a refusé ma carte de presse pendant des années au motif que "l'Internet" n'était pas considéré comme un média.
Des tonnes de stages. En presse locale puis nationale. Puis un CDI pour un site web qui s'appelle cafebabel qui était un peu "l'auberge espagnole du journalisme". J'adore repenser à cette période vers 2005-2006 où les "vrais journalistes" du microcosme parisien voyaient le web comme un petit "hobby" d'étudiants naïf. On m'a refusé ma carte de presse pendant des années au motif que "l'Internet" n'était pas considéré comme un média.
Tes articles abordent des thèmes très divers :
comment les classifierais tu ?
J'essaie de ne pas me limiter, je choisis de traiter
des sujets qui me touchent. Avec le recul, je réalise souvent que
certains articles ont une résonance particulière par rapport à un
événement que j'ai pu vivre ou m'apportent des éléments de
réponse sur des interrogations que je peux avoir. Mais j'adore aussi
écrire des trucs drôles et un peu cyniques, c'est pour cela que je
me lâche davantage sur les posts de blogs.
Outre les récits de voyages improbables, j'ai
toujours adoré la manière hyper caustique dont tu traites la
problématique du couple. Est ce que ton expérience berlinoise
t'inspire ? De quelle manière ? Sens tu toujours le poids
des différences culturelles ?
J'ai largement puisé dans mon expérience
personnelle et dans celle de mes copines pour écrire la rubrique
Croque Monsieur, parue tous les mois dès 2008 dans le magazine
Berlin Poche. On a beau être voisins, plus je vis ici, plus le fossé
entre Allemands et Français me semble énorme. Longtemps, j'ai cru
que Berlin n'était pas l'Allemagne et peut-être. Mais quand tu
commendes à vivre ici au-delà de 6 mois Erasmus, à t'installer
ici, tu remarques que l'administration, chez le médecin, avec les
impôts, c'est différent. Tant au niveau de la société que des
mentalités: c'est un truisme de dire ça, mais ils sont vraiment
nordiques alors qu'on se complaît dans notre côté latino. J'ai
parfois l'impression de vivre ici une expérience de dressage, dès
que tu fais un pas de travers, hop, tu as quelqu'un/un flic/un
passant/ qui te rappelle à l'ordre. Les Mahnung -amendes- dès que
t'as un jour de retard pour payer tes factures, la Schufa, les feux
rouges : au début ça m'amusait, maintenant, j'ai du mal avec le
fait de ne pas avoir le droit à l'erreur ou à l'arnaque.
Féminisme à la française VS féminisme allemand:
qu'en penses-tu ?
Les Allemandes de l'Est sont restées très féministes comparées à leurs homologues de l'Ouest. Je les trouve plus émancipées -que ce soit par rapport au regard des hommes qu'à l'idée qu'elles se font de leur rôle- que nous. Après les Allemandes ont souvent tendance à considérer que féminité et féminisme sont incompatibles.
Les Allemandes de l'Est sont restées très féministes comparées à leurs homologues de l'Ouest. Je les trouve plus émancipées -que ce soit par rapport au regard des hommes qu'à l'idée qu'elles se font de leur rôle- que nous. Après les Allemandes ont souvent tendance à considérer que féminité et féminisme sont incompatibles.
Le berlinois, on en dit quoi ? De ton point de
vue et au travers les expériences que tu récoltes, y a t il un
modèle relationnel particulier ?
Le berlinois est difficile à ferrer et si je me
réfère aux modes de vie à Paris ou ailleurs, je constate que
certaines copines célibataires féminines morflent pas mal ici. Un
certain idéal berlinois prône la liberté à tous crins et
sacralise donc la non relation, la non beziehung. A Berlin, le choix
de vie/partenaires est tellement énorme que l'engagement est
difficile. Or grandir, c'est aussi choisir. Une raison qui explique
que beaucoup restent des Peter Pan jusqu'à l'âge du déambulateur.
Mais je dirais que c'est peut-être une caractéristique de la
génération Y, cette hésitation à s'engager vraiment et la peur de
se retrouver coincé. En positif, c'est l'envie d'inventer sa
relation au-delà de schémas disons plus traditionnels.
A part Berlin, tu travailles beaucoup sur les pays
de l'ancien bloc soviétique : des raisons pour cette affinité
particulière ?
Je vivais à Budapest quand les dix nouveaux pays de
la jeune Europe ont intégré l'UE continent en 2004. Partout dans les
rues c'était la fête, les gens sortaient et célébraient. A
l'Ouest, on ne parlait que du danger du 'plombier polonais' ou de
l'infirmière bulgare. Or, le processus de transition qui se déroule
depuis 1989 dans ces pays au cœur de l'Europe est fascinant : des
populations entières sont nées dans un pays qui n'existe plus, sans
racines, comme apatrides et se retrouvent à chercher un équilibre
entre valeurs européennes et legs soviétique. En novembre, on
célébrera les 25 ans de la chute du Mur de Berlin, 25 ans, c'est
l'âge d'une génération. Ce que je vois souvent dans mes reportages
c'est l'émergence d'une jeunesse hybride, entre deux modèles,
biberonnée au turbo-capitalisme et élevé par des parents nostalgiques. Un sacré mélange !
Dans un de tes articles, tu parlais d'un nouveau
féminisme venu de là-bas; quelles sont ses caractéristiques ?
Dans
les pays post-socialistes, l'effondrement
du communisme -et sa relative égalité des sexes- a été supplanté
par un retour de l'Eglise orthodoxe et à des sociétés en
transition. On connaît les Femen ukrainiennes ou les Pussy Riot
moscovites mais ces groupes bruyants, adeptes du 'sextremisme' et de
la provoc ne sont que la face émergée de l'iceberg d'un mouvement
de société plus global et d'une interrogation sur la place des
femmes. Défendre l'IVG ou l'égalité des sexes n'a pas de sens pour
celles qui sont les héritières d'un socialisme sans
discriminations. Leur combat s'oriente davantage contre les violences
conjugales et les réseaux de prostitution, voire se mobilisent en
faveur d'éducation sexuelle ou du droit à la contraception. En
outre, ces
suffragettes de l'Est jouent un vrai rôle politique : elles figurent
souvent aux premières loges de partis d'opposition balbutiants. de
la lutte contre la corruption aux protestations contre les régimes
autoritaires comme la dictature. Ce nouveau combat pour
l'émancipation des femmes s'inscrit en filigrane de la lutte des
anciens pays satellites pour se libérer de la tutelle du grand frère
russe.
Quel avenir pour Plumaberlin et Croquemonsieur ?
Quels sont tes prochains projets professionnels ?
Plumaberlin va continuer à écrire des choses affreuses sur ses amis les schleus. Et puis sinon, de la vadrouille et des reportages à droite à gauche, si possible de plus en plus longs. Des projets de docu. Et surtout un banquier sympa.
Plumaberlin va continuer à écrire des choses affreuses sur ses amis les schleus. Et puis sinon, de la vadrouille et des reportages à droite à gauche, si possible de plus en plus longs. Des projets de docu. Et surtout un banquier sympa.
by Giulio Zucchini |
La série "questions inutiles" (et ta préférée, arrête de faire genre)
Ton bar favori ?
Je suis dans ma phase de tournée des lieux anti-branchitude branlette. Donc, je vais souvent un vieux kneipe à Prenzlauer Berg dont je ne connais même pas le nom.
Je suis dans ma phase de tournée des lieux anti-branchitude branlette. Donc, je vais souvent un vieux kneipe à Prenzlauer Berg dont je ne connais même pas le nom.
Ton quartier préféré ?
Ça dépend des jours. Y'a tellement de touristes maintenant que j'aime bien aller de plus en plus am rande der stadt, et découvrir entre des quartiers inconnus comme la Trabant Stadt du 'Märkisches Viertel' de Reinickendorf. Berlin est tellement immense qu'on peut la jouer explorateur urbain et déboucher sur une ambiance village du Brandebourg au delà du Ring. Une petite virée parmi les Plattenbau me remet vite d'aplomb. Le truc de dingue quand on se balade dans les ensembles légo de Plattenbaus construits par le régime d'ex-RDA, vers Höhenschönhausen par exemple, on réalise par exemple qu'il n'y a pas un seul endroit duquel on ne peut pas être vu. Que ce soit le square au milieu ou une allée, il y a toujours une fenêtre qui permet de guetter.
Ça dépend des jours. Y'a tellement de touristes maintenant que j'aime bien aller de plus en plus am rande der stadt, et découvrir entre des quartiers inconnus comme la Trabant Stadt du 'Märkisches Viertel' de Reinickendorf. Berlin est tellement immense qu'on peut la jouer explorateur urbain et déboucher sur une ambiance village du Brandebourg au delà du Ring. Une petite virée parmi les Plattenbau me remet vite d'aplomb. Le truc de dingue quand on se balade dans les ensembles légo de Plattenbaus construits par le régime d'ex-RDA, vers Höhenschönhausen par exemple, on réalise par exemple qu'il n'y a pas un seul endroit duquel on ne peut pas être vu. Que ce soit le square au milieu ou une allée, il y a toujours une fenêtre qui permet de guetter.
Ton restaurant préféré ?
Pasternak.
Pasternak.
Ton magasin préféré ?
Jamais de shopping chez les Schleus, ca me déprime.
Jamais de shopping chez les Schleus, ca me déprime.
Ton club préféré ?
Une bonne soirée Balkan Bite -pardon-.
Une bonne soirée Balkan Bite -pardon-.
Ton musée préféré ?
Naturkunde Museum.
Naturkunde Museum.
Ton auteur allemand préféré ?
Julie Zeh.
Julie Zeh.
Ton musicien allemand préféré ?
Kraftwerk. Falco.
Kraftwerk. Falco.
Un conseil pour apprendre l'allemand sans devenir
taré ?
Une liaison torride.
Une liaison torride.
Un conseil drague auprès de l'allemand ?
Attaquer.
Attaquer.
Ton expression/mot allemand préféré ?
Alles klar, Herr Kommissar!
Alles klar, Herr Kommissar!
Ton insulte préférée en allemand ?
Alte fötze.
Alte fötze.
Jette toi sur Plumaberlin ICI et Croque Monsieur ICI. Pour le reste des articles, comme je suis bonne poire je te poste celui ci que tu connais de toute façon forcément; et puis je vais pas tout te mâcher non plus, tu as Google ("vous avez de la pâte à crêpe, vous avez du sucre?")
by Juju
Une superbe présentation et une interview vraiment intéressante, bravo Juju !
RépondreSupprimermerci beaucoup :)
SupprimerFalco avec un "c" était Autrichien.
RépondreSupprimerSinon très chouette interview d'une non moins chouette blogueuse, merci.
c'est rectifié, merci!
SupprimerMerci pour cette interview intéressante qui m'a fait découvrir cet étonnant personnage.
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