jeudi 20 mars 2014

#Mood - Ode au tourisme à Berlin

Aujourd’hui, revenons sur un sujet qui fait toujours frétiller les babines de la communauté française berlinoise (et surement internationale). Pour planter le décors, nous étions bien tranquillement accoudées à un bar en train de refaire le monde tout en laissant balader une oreille fouineuse, quand nous parvinrent les bribes d’une conversation estampillée « bien de chez nous » (la plainte devrait être monétisée et tomber sous la coupe de la loi protectionniste bien nommée « exception culturelle » ; tout comme le frometon) : en gros, il commençait à y'en avoir vraiment ras-le-beanie de ces touristes « qui envahissent Berlin pour de pathétiques raisons, viennent dénaturer notre ville, faire exploser nos loyers, envahir nos trottoirs, polluer notre atmosphère, égorger nos fils et non compagnes etc. Pompon sur la Garrigue Simone ! Passe-moi un lexomil ».
Donc, le touriste. Quel statut bâtard que celui de cette pauvre espèce généralement envisagée avec dédain par la faune locale et pourtant fatalement chouchoutée de par son vecteur de croissance économique. Le spectre est large quant aux réflexions enjointes par le sujet, du très drôle (voir l’article de nos potes de la Flirt Akademie Julie l’easyjetsetteuse (c’est moi)) au vraiment limite. Pas de souci, moi aussi j’aime me laisser aller à de grands moments de chauvinisme/racisme primaires : le mauvais humour, la foi encore plus médiocre et la bile, c’est bon pour la santé. Mais de là à faire porter au touriste la responsabilité de la dénaturation de Berlin et de la perte de son essentiel, voir de proposer le lancement d’une fatwa aux fesses d’Easyjet…

Comme pour les loups dans le Larzac, réhabilitons le touriste. Tout d’abord, la principale critique vociférée à la figure de notre pauvre adepte du vol low cost serait son goût ultra prononcé et exclusif pour la fête. En gros, perfide monomaniaque qu’il serait, il n’atterrirait à Berlin que pour satisfaire cette unique obsession. Oui. Peut-être. So what ? Toute personne normalement constituée en vadrouille pour une période de 2 jours, à Berlin ou à Tombouctou, n’a que rarement l’irrépressible envie de se farcir l’intégrale des musées spécialisés dans la fonte des cloches au 11eme siècle, ou le listing des différents types d’enclosure sous Elisabeth (très important, les enclosures. Ami khâgneux période 2008, c’est pour toi bébé). De plus, comme précédemment radoté, Berlin n’est pas synonyme de facilité, dans le fond comme dans la forme ; point ici de cette beauté évidente/arrogante parisienne ; en somme, 2 jours de ballade Kreuzberg/Ostkreuz vous feront vite regretter les bas-fonds du 19ème. Enfin, il existe bien des façons d’accéder à l’esprit d’une ville (si nous avions l’effronterie de penser détenir la vérité sur l’identité d’un endroit), et pour Berlin, le clubbing en est une toute légitime. Pourquoi tant d’animosité quand, du fier aveu des natifs, une partie de la culture et de l’âme berlinoise réside dans les murs humides de ses clubs ? Pourquoi y aurait-il mort d’homme à poser ses baskets pour quelques jours de frénésie nocturne, quand le Tresor continue à officier comme fer de lance de cette culture techno – plus si – underground mais toujours authentique ? N’est-ce pas une forme d’accession à un élément véritablement culturel et essentiel de la ville ?
Donc ami berlinois un peu bourru qui nous lit, prends des vacances, quitte cette ville croulant sous ces envahisseurs saisonniers, devient touriste à ton tour. Ryannair promet des vols pour New-York à 10 euros dans un futur proche, et en attendant, profite des possibilités offertes par des comparateurs en ligne comme vol24 (ils nous ont permis de belles escapades à travers le monde). Et toi, touriste (ce à condition que tu ne sois pas stupide. Du genre, demander où est le Maje de Berlin. Ça c’est rédhibitoire, you’re dismissed, dehors) viiiiiiiiient nous voir, ici nous savons recevoir.
Une polonaise et trois frenchies en vacances à Berlin, ça donne ça
Vendredi nous irons manger une currywurst au Bergmann Curry, avec son serveur introverti hyper craquant et finalement adorable (la magie insoupçonnée de l’accent franchouillard). D’ailleurs, nous descendrons tout le Kietz de Bergmannstraße (si t’as encore faim, nous irons à l’Indian restaurant, c’est 4 euros jusqu’à 17h), c’est un peu chez les riches, c’est beau. Nous fouinerons dans les magasins de disques vintage et nous nous pâmerons devant de vieilles éditions de Franck Zappa, pour faire comme les hipsters. Si à l’instar d’Ophélie nous avons la foi (peut être que d’ici là la U8 re fonctionnera), nous nous traînerons jusqu’à Boddinstraße et nous nous écroulerons dans les canapés du Bender bar, QG de la jeunesse française belle, cool et culturellement intégrée, ou au bar à rhum Lippotte (à l’œil parce que je connais le proprio). Tu pourras exercer ton allemand sur de jolies berlinoises d’origine turque (je sourirai à la vue de ta frimousse un peu décontenancée par le combo voile/maquillage digne de Lady Gaga). Et si non, nous boirons des coups au Melitta Sunström, nous prétendrons être des VIP pour squatter leur salle au premier étage. Nous nous enquillerons les Jägerbombs/Vodka Club Matte jusqu’à plus soif, discuterons des meilleurs mix de Nicolas Jaar avec le serveur et nous tituberons bras dessus bras dessous jusqu’au Gretchen. Avec un peu de chance tu as des goûts musicaux corrects et on nous pourrons y rester un moment. Tu apprendras des expressions de beauf grâce à de gros mecs rasés du crâne portant des casquettes 2-Pac et des t-shirts « I got 99 problems but a bitch ain’t one » (appropriation culturelle, yoyo) pendant que je twerkerai avec la serveuse du 1er bar. Et puis nous nous finirons à Ostkreuz au ://about blank, ou peut-être demeurerons nous simplement extatiques devant l’énorme tour phallique à la sortie du S-bahn.
Samedi, nous passerons par le musée Helmut Newton ou voir une expo d’Ai Weiwei pour faire genre que nous avons fait des trucs culturels et légitimer la débandade à venir.  Nous bruncherons au Matilda. Nous irons faire le marché turc d’Oranienstraße. Nous passerons par Mauerpark histoire de dire, mais ça nous soulera très vite, notre coté claustro reprenant le dessus (et puis des bibelots hors de prix appartenant à des allemandes hyper désagréables parce que t’as voulu prendre leurs horreurs arti en photo, ça va 5 minutes). Nous passerons par Prenzlauer Berg (aka « Pregnancy Hill ») pour allègrement maquereller sur les trentenaires (et bader en silence parce que ça nous guette), nous irons boire au Prater. S’il fait très beau, nous squatterons des barbecues de Tempelhof, ou bien ferons-nous bronzette au Badeschiff. Nous aurons même accès au balcon, profitant d’une vue imprenable sur Berlin en sirotant un énième cocktails (tu tenteras leurs sandwichs, de petites tueries). Si tu as la flemme de bouger nous terminerons à l’Arena. Ou alors nous irons mater des films avant-gardistes incompréhensibles dans des cinoches en plein air et nous nous esclafferons bruyamment avec nos nouveaux copains berlinois rencontrés à l’occasion, ivres de boisson et de joie. Tu es là pour la techno, je ferai donc un effort et nous irons nous épuiser au Tresor. Si le temps le permet, nous pourrons même reposer nos bottes surmenées à la Griessmühle où nous nous lancerons dans des discussions métaphysiques avec des quarantenaires aus Berlin.
Dimanche, dans un élan de sur-motivation inespéré (l’urgence des trois jours), nous nous poserons au lac de Zehlendorf (y’a même moyen que tu vois passer des licornes), nous ferons du pédalo (enfin, tu feras) et nous nous intégrerons à des groupes d’adolescents pour des jeux d’alcool auxquels nous ne comprendrons rien (« mais en fait, que je perde ou que je gagne, il faut que je boive ? »). Nous nous sustenterons chez Momos, un resto vegan, juste pour la blague ; et tu verras que ce n’est pas si mauvais, cette nourriture pour lapins. Tu voudras aller à Görli « pour te balader ». Et bien évidemment, nous irons au Berghain. Bah oui, juste pour emmerder les puristes; et oui, tu auras ta selfie en face de Sven. D’ailleurs, vu qu’on est des déglingos, nous ferons même des selfies à l’intérieur qui se retrouveront instantanément sur instagram (#nofilter #swag #yolo #lostmypantsandmydignity #doesntmatterhadsex) ; nous finirons par nous faire virer manu militari, les côtes douloureuses à force de coups et de fous rires, mais le cœur débordant d’amour. Et puis tu retrouveras la mère Patrie dans ton avion pas cher, tes Wayfarer cachant tes yeux mi-clos mais pleinement heureux, ne prêtant aucune attention au regard réprobateur des « vrais » expats, ceux qui ont oublié de ne pas trop se prendre au sérieux. Et tu pourras prêcher la bonne parole auprès de tes potes, posés dans un bar de Répu à siroter ta bière (tu fais d’ailleurs la grimace en la portant à tes lèvres, moue qui s’accentuera à la vue du prix) : « Berlin, même pour deux jours, c’est de la bombe bébé ».
Nb : ne vous étouffez pas tout de suite avec vos Schnitzels les vieux de la vieille, l’article retour de manivelle « pourquoi il faudrait rouvrir les goulags pour les touristes » surement concocté par Berlinerin Frenchie arrive très prochainement.

la VRAIE photo de touriste - love les loulous
 by Juju

1 commentaire:

  1. Ahahah, pas mal! A noter aussi la concurrence "je suis plus Berlinois que toi parce que je connais mes déclinaisons" entre les francais "expats" eux-mêmes ;)

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