Aujourd’hui, revenons sur un
sujet qui fait toujours frétiller les babines de la communauté française
berlinoise (et surement internationale). Pour planter le décors, nous étions
bien tranquillement accoudées à un bar en train de refaire le monde tout en laissant
balader une oreille fouineuse, quand nous parvinrent les bribes d’une
conversation estampillée « bien de chez nous » (la plainte devrait
être monétisée et tomber sous la coupe de la loi protectionniste bien nommée
« exception culturelle » ; tout comme le frometon) : en
gros, il commençait à y'en avoir vraiment ras-le-beanie de ces touristes « qui envahissent Berlin pour de
pathétiques raisons, viennent dénaturer notre ville, faire exploser nos loyers,
envahir nos trottoirs, polluer notre atmosphère, égorger nos fils et non
compagnes etc. Pompon sur la Garrigue Simone ! Passe-moi un lexomil ».
Donc, le touriste. Quel statut
bâtard que celui de cette pauvre espèce généralement envisagée avec dédain par
la faune locale et pourtant fatalement chouchoutée de par son vecteur de
croissance économique. Le spectre est large quant aux réflexions enjointes par
le sujet, du très drôle (voir l’article de nos potes de la Flirt Akademie Julie l’easyjetsetteuse (c’est moi)) au vraiment limite. Pas de souci, moi aussi
j’aime me laisser aller à de grands moments de chauvinisme/racisme
primaires : le mauvais humour, la foi encore plus médiocre et la bile,
c’est bon pour la santé. Mais de là à faire porter au touriste la
responsabilité de la dénaturation de Berlin et de la perte de son essentiel, voir de proposer le lancement d’une fatwa aux fesses d’Easyjet…
Comme pour les loups dans le
Larzac, réhabilitons le touriste. Tout d’abord, la principale critique vociférée
à la figure de notre pauvre adepte du vol low cost serait son goût ultra
prononcé et exclusif pour la fête. En gros, perfide monomaniaque qu’il serait,
il n’atterrirait à Berlin que pour satisfaire cette unique obsession. Oui.
Peut-être. So what ? Toute personne normalement constituée en vadrouille
pour une période de 2 jours, à Berlin ou à Tombouctou, n’a que rarement
l’irrépressible envie de se farcir l’intégrale des musées spécialisés dans
la fonte des cloches au 11eme siècle, ou le listing des différents types
d’enclosure sous Elisabeth (très important, les enclosures. Ami khâgneux
période 2008, c’est pour toi bébé). De plus, comme précédemment radoté, Berlin
n’est pas synonyme de facilité, dans le fond comme dans la forme ; point ici
de cette beauté évidente/arrogante parisienne ; en somme, 2 jours de
ballade Kreuzberg/Ostkreuz vous feront vite regretter les bas-fonds du 19ème.
Enfin, il existe bien des façons d’accéder à l’esprit d’une ville (si nous
avions l’effronterie de penser détenir la vérité sur l’identité d’un endroit),
et pour Berlin, le clubbing en est une toute légitime. Pourquoi tant d’animosité quand,
du fier aveu des natifs, une partie de la culture et de l’âme berlinoise réside
dans les murs humides de ses clubs ? Pourquoi y aurait-il mort d’homme à
poser ses baskets pour quelques jours de frénésie nocturne, quand le Tresor
continue à officier comme fer de lance de cette culture techno – plus si –
underground mais toujours authentique ? N’est-ce pas une forme d’accession à un
élément véritablement culturel et essentiel de la ville ?
Donc ami berlinois un peu bourru
qui nous lit, prends des vacances, quitte cette ville croulant sous ces
envahisseurs saisonniers, devient touriste à ton tour. Ryannair promet des vols
pour New-York à 10 euros dans un futur proche, et en attendant, profite des
possibilités offertes par des comparateurs en ligne comme vol24 (ils nous ont permis de belles escapades
à travers le monde). Et toi, touriste (ce à condition que tu ne
sois pas stupide. Du genre, demander où est le Maje de Berlin. Ça c’est
rédhibitoire, you’re dismissed, dehors) viiiiiiiiient nous voir, ici
nous savons recevoir.
Une polonaise et trois frenchies en vacances à Berlin, ça donne ça |
Samedi, nous passerons par le musée
Helmut Newton ou voir une expo d’Ai Weiwei pour faire genre que nous avons fait
des trucs culturels et légitimer la débandade à venir. Nous bruncherons
au Matilda. Nous irons faire le marché turc d’Oranienstraße. Nous passerons par
Mauerpark histoire de dire, mais ça nous soulera très vite, notre coté claustro
reprenant le dessus (et puis des bibelots hors de prix appartenant à des
allemandes hyper désagréables parce que t’as voulu prendre leurs horreurs arti en photo, ça va 5 minutes). Nous
passerons par Prenzlauer Berg (aka « Pregnancy Hill ») pour
allègrement maquereller sur les trentenaires (et bader en silence parce que ça
nous guette), nous irons boire au Prater. S’il fait très beau, nous squatterons
des barbecues de Tempelhof, ou bien ferons-nous bronzette au Badeschiff. Nous
aurons même accès au balcon, profitant d’une vue imprenable sur Berlin en
sirotant un énième cocktails (tu tenteras leurs sandwichs, de petites tueries).
Si tu as la flemme de bouger nous terminerons à l’Arena. Ou alors nous irons
mater des films avant-gardistes incompréhensibles dans des cinoches en plein
air et nous nous esclafferons bruyamment avec nos nouveaux copains berlinois
rencontrés à l’occasion, ivres de boisson et de joie. Tu es là pour la techno,
je ferai donc un effort et nous irons nous épuiser au Tresor. Si le temps le
permet, nous pourrons même reposer nos bottes surmenées à la Griessmühle où
nous nous lancerons dans des discussions métaphysiques avec des quarantenaires aus Berlin.
Dimanche, dans un élan de
sur-motivation inespéré (l’urgence des trois jours), nous nous poserons au lac
de Zehlendorf (y’a même moyen que tu vois passer des licornes), nous ferons du
pédalo (enfin, tu feras) et nous nous intégrerons à des groupes d’adolescents
pour des jeux d’alcool auxquels nous ne comprendrons rien (« mais en fait,
que je perde ou que je gagne, il faut que je boive ? »). Nous nous sustenterons
chez Momos, un resto vegan, juste pour la blague ; et tu verras que ce
n’est pas si mauvais, cette nourriture pour lapins. Tu voudras aller à Görli
« pour te balader ». Et bien évidemment, nous irons au Berghain. Bah
oui, juste pour emmerder les puristes; et oui, tu auras ta selfie en
face de Sven. D’ailleurs, vu qu’on est des déglingos, nous ferons même des selfies
à l’intérieur qui se retrouveront instantanément sur instagram (#nofilter
#swag #yolo #lostmypantsandmydignity #doesntmatterhadsex) ; nous
finirons par nous faire virer manu
militari, les côtes douloureuses à force de coups et de fous rires, mais le
cœur débordant d’amour. Et puis tu retrouveras la mère Patrie dans ton avion
pas cher, tes Wayfarer cachant tes yeux mi-clos mais pleinement heureux, ne
prêtant aucune attention au regard réprobateur des « vrais » expats,
ceux qui ont oublié de ne pas trop se prendre au sérieux. Et tu pourras prêcher
la bonne parole auprès de tes potes, posés dans un bar de Répu à siroter ta
bière (tu fais d’ailleurs la grimace en la portant à tes lèvres, moue qui
s’accentuera à la vue du prix) : « Berlin, même pour deux jours,
c’est de la bombe bébé ».
Nb : ne vous étouffez pas
tout de suite avec vos Schnitzels les vieux de la vieille, l’article retour de
manivelle « pourquoi il faudrait rouvrir les goulags pour les
touristes » surement concocté par Berlinerin Frenchie arrive très
prochainement.
by Juju
la VRAIE photo de touriste - love les loulous |
Ahahah, pas mal! A noter aussi la concurrence "je suis plus Berlinois que toi parce que je connais mes déclinaisons" entre les francais "expats" eux-mêmes ;)
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