Attention, post "instant nature".
Parfois, corps et esprit se révoltent. Malmenés par une existence dissolue, ils leurs arrivent de se liguer pour vous enjoindre de choisir, au beau milieu de votre existence berlinoise "work hard play hard" (enfin surtout le second), une hygiène de vie plus propice au développement d'une santé mentale et physique décente. Un beau jour donc vous ouvrez péniblement les yeux, vos pupilles encore bien trop dilatées papillonnant laborieusement au contact de la lumière; et là, révélation. Ras le bol de finir en guenille tous les deux matins, de régulièrement terminer évanouie en position fœtale quelque part dans une alcôve du Ritter Butzke, de devoir supporter les regards hilares de vos collocs après avoir échoué dans votre tentative de discrètement mettre à la porte la créature marine que vous aviez apparemment pêchée la nuit précédente (apparemment, car vous n'avez gardé aucun souvenir de votre virée labellisée "découverte des grands fonds"), d'avoir épuisé 6 cartes de fidélité au kebab du coin en 1 mois. Et dans un effort désespéré de briser le cercle infernal de la biture permanente, vous vous êtes demandé: « et si pour une fois je faisais une activité sportive, propre et saine ? ». Vous tenterez bien d'obtenir des conseils auprès de vos potes; bien entendu, peine perdue (*après un long silence* « bah si tu veux, on peut aller boire au canal. Le temps de marcher, le plein air, la bise berlinoise, tout ça... »). C'est alors que la solution vous apparait, claire comme de l'eau de roche: « et si j'allais faire du cheval? ». Cheval donc ce sera. Immersion.
Parfois, corps et esprit se révoltent. Malmenés par une existence dissolue, ils leurs arrivent de se liguer pour vous enjoindre de choisir, au beau milieu de votre existence berlinoise "work hard play hard" (enfin surtout le second), une hygiène de vie plus propice au développement d'une santé mentale et physique décente. Un beau jour donc vous ouvrez péniblement les yeux, vos pupilles encore bien trop dilatées papillonnant laborieusement au contact de la lumière; et là, révélation. Ras le bol de finir en guenille tous les deux matins, de régulièrement terminer évanouie en position fœtale quelque part dans une alcôve du Ritter Butzke, de devoir supporter les regards hilares de vos collocs après avoir échoué dans votre tentative de discrètement mettre à la porte la créature marine que vous aviez apparemment pêchée la nuit précédente (apparemment, car vous n'avez gardé aucun souvenir de votre virée labellisée "découverte des grands fonds"), d'avoir épuisé 6 cartes de fidélité au kebab du coin en 1 mois. Et dans un effort désespéré de briser le cercle infernal de la biture permanente, vous vous êtes demandé: « et si pour une fois je faisais une activité sportive, propre et saine ? ». Vous tenterez bien d'obtenir des conseils auprès de vos potes; bien entendu, peine perdue (*après un long silence* « bah si tu veux, on peut aller boire au canal. Le temps de marcher, le plein air, la bise berlinoise, tout ça... »). C'est alors que la solution vous apparait, claire comme de l'eau de roche: « et si j'allais faire du cheval? ». Cheval donc ce sera. Immersion.
Du air-filet, aka "des conséquences néfastes du hippysme berlinois"
Après avoir réservé votre cession "nature,
découverte et crampes aux fesses" sur la version allemande de Groupon,
vous voici à prendre un S-bahn direction la banlieue berlinoise proche. Après vous être, bien entendu, maintes fois perdue
("putain-de-3G/campagne-de-merde"), vous voici arrivée au Reitklub. Contrairement
à l'image que vous vous en étiez faite (des écuries du même type architectural
que la BU de la Humbolt, pas un brin de paille qui dépasse, la chevauchée des Walkyries en
fond sonore) et à votre grande déception, le lieu s'apparente plutôt à un mélange
entre une kolkhoze et ce fameux camp hippy où vous vous étiez retrouvée contrainte de
crécher lors d'un voyage au Cambodge; nous sommes à Berlin, il fallait s'y
attendre. Vous êtes accueillie par la patronne de l'endroit, un hybride entre Janis
Joplin et Derrick qui baragouine un allemand encore moins compréhensible que
lorsque votre hôte/boyfriend/whatever s'évertue à vous expliquer
l'en-soit-du-pour-nous-du-pour-soit hégélien sous kétamine. Après que Janis-Stefan vous ai dévisagée de haut en bas, elle vous collera avec l'équidé répondant au
doux patronyme de Fritz (sic. Comme si nous appelions nos chevaux Jean-Marie).
Vous récupérez donc le harnachement du-dit Fritz, approchez
l'animal (que l'arrivée de votre
petite personne - si française soit-elle - n'a pas l'air de franchement enchanter), tentez de lui enfiler le filet; et là,
pas de mors. Vous entreprenez la connexion de deux synapses valides afin d'identifier l'erreur, retournez la chose dans tous les sens imaginables, dévisagez
Fritz d'un air perplexe; d'ailleurs, vous jureriez voir s'allumer dans son
regard moribond une lueur d’intérêt (*pensée de Fritz* : « ouh putain,
pépère, on est tombé sur une bonne là, une vraie pas douée. Ne la mets pas par
terre tout de suite, y'a moyen de se fendre royalement la ruche »). Vous
finissez par interpeller la tenancière de la boutique, afin de tant bien que mal l’informer de l’oubli. Elle vous répond dans son patois machouilleur de mots, très
rapidement, légèrement irritée. Malgré toute l’attention portée (vous aviez
même révisé le vocabulaire équestre pour l’occasion) son petit speech qui se voulait
explicatif n'aura eu pour effet que de vous noyer dans un bourbier d'incompréhension encore
plus fangeux. Et pourtant, après traduction de votre hôte/boyfriend/whatever, il s'avère que vous aviez parfaitement décodé: dans ce club visiblement sous la démoniaque influence
"trop-aware-vive-Gaïa" berlinoise, le mors n'est pas utilisé, afin de
"ne pas abimer la bouche équine". En temps normal déjà, et sans être directement
concernée, vous auriez trouvé cette bizarrerie fort louable mais complètement stupide
(à moins de monter comme un indien. Et encore, qui peut prouver qu'ils
n'utilisaient pas de mors? Y'en a plus pour en attester. D'ailleurs, c'est surement à
cause de l'absence de mors - et non pas des fusils, des maladies et de la
fourberie/barbarie occidentale - qu'ils se sont fait niker comme des phoques). Maintenant
que vous y êtes pour de vrai... Vous commencez logiquement à pouffer,
incrédule. Après tout, les allemands ont donné leur nom à un type
de harnachement extrêmement dur (montez un étalon percheron sous coke en rênes
allemandes: même du haut de vos 50 kg toute mouillée, il comprendra bien vite
qui est la boss du ride game), nous connaissons leur penchant pour le
martinet et le vinyle, ils ne vont pas nous faire croire que leur
psychorigidité a épargné le monde équin, ça n'aurait aucun sens (« t'as un truc entre les jambes sur lequel tu peux opérer ta pleine autorité sans
que cela soit socialement répréhensible, et tu te dégonfles? Nan mais
allô»). Et pourtant.... Votre hilarité n'aura pas arraché ne serait ce qu'un sourire à Janis-Stefan, qui vous rétorquera: « c'est vrai que vous, français, vous avez une manière très dure de monter... Nous, nous respectons
l'animal avant tout » (malheureusement le choc de cette réponse vous a empêchée de lancer un beau: « le respect
de l'animal, ça vous fait des champions comme Jappeloup, einh??! ». Et
puis dommage, vous avez oublié la traduction teutonne de "grosse pute"). Donc pas de mors. Vous osez vous enquérir: « et du coup, je fais
comment pour m'arrêter et tourner (la base quoi) ? ». Vous tentez de lui expliquer
que vous montez de cette façon depuis vos 8 ans, qu'il vous est impossible d’être
à l'aise sans sentir la bouche du cheval entre vos doigts etc. Après vous avoir dévisagée
d'un air dégouté comme si vous veniez de lui raconter les détails SM de
votre vie sexuelle, Janis-Stefan vous balancera, sur un
ton d’absolue évidence: « le bassin ». La perplexité dans laquelle vous plonge cette réponse
vous empêchera d'ailleurs de réagir à temps à la deuxième mesquinerie qui vous
sera adressée dans ce laps de 20 secondes, émanant cette fois de votre
hôte/boyfriend/whatever et
accompagnée du petit coup dans les côtes qui va bien : « t’as entendu ?
Avec le bassin. Ça va Frenchy, tu sais faire ça, c'est presque génétique chez
vous». Il est déjà loin, en train de se bidonner avec Fritz, quand vous
prenez conscience de sa perfide remarque et qu’un énorme
"WHATDAFUCKDIDYOUJUSTSAYTOME" vous monte à la gorge (ouais c'est
quand même plus classe - et moins flippant - de s'engueuler en anglais. Ami allemand qui nous lit,
jamais bon signe pour ton matricule lorsque Bobonne repasse à la langue
de Shakespeare).
De la bonne utilisation de votre bassin
Donc, vous voici sur Fritz, particulièrement mal assise (ah
oui, parce qu'on utilise des selles de cowboy chez nous) et complètement
déroutée par l'absence de mors. A peine enfourché, Fritz se lance à la
poursuite d’un autre camarade équin, qui s’avère être une jument du nom de "Fleur"
(Flööörrrrrr en allemand). Janis-Stefan a alors le bon goût de vous expliquer
que Fritz est éperdument amoureux de Fleur, et qu'en conséquence Fritz a une sale tendance à coller
Fleur au cul ("coller" étant bien entendu de la prudasserie, "s'encastrer dans
Fleur" serait plus adéquat). Super. Vous voilà donc sur un Fritz incontrôlable,
vos deux rênes ballotant inutilement dans vos mains tout aussi superflues. Au début néanmoins, pleine de bonne volonté, vous essayez de mettre en pratique
les indications de Janis-Stefan. Peine perdue: tout doué qu’il est, votre bassin français
exhortant Fritz de s'arrêter ne fait pas le poids face à la belle croupe de Fleur.
Fin de l’histoire : au bout de 30 minutes à essayer
de bien faire, et Fritz se tamponnant éperdument le coquillard de vos efforts,
votre naturelle de bêcheuse amatrice de vitesse et de cravache aura vite repris le dessus. Ceci se
traduira par un gros fuck au reste de vos collègues pour lancer votre monture au grand galop (la bonne utilisation du bassin, right here)
jusqu'à ce que l'épuisement lui passe l'envie de ne serait-ce que penser à Fleur. Votre folle chevauchée aura assez duré pour que vous perdiez le groupe;
et là, vous serez bien contente que la gentillesse pratico-pratique allemande
existe et que l'une des cavalières, anticipant votre perdition, se soit lancée
à votre poursuite.
De l'enrichissement de votre vocabulaire allemand
Ne jamais perdre une occasion de coucouner votre allemand, cette petite boule de poile hirsute qu’il est grandement nécessaire de bichonner. Votre
ballade équestre pourra s'avérer l'occasion de vous lancer dans de grandes
discussions avec vos sympathiques collègues sur 1) le nucléaire 2) le féminisme
(« m’enfin j’ai le droit de m’habiller comme une voiture volée, d’écouter en
boucle Kill You d’Eminem et de lire Simone de Beauvoir ! Non ? Anyone ? »)
3) le distinguo fondamental entre mec français et mec berlinois 4) la bouffe (« je vais vous expliquer comment on
fait un bon foie gras », et notre préféré: « le cheval, c’est pas mal en
tartare »). L'occasion, puisqu'il pleuvra forcément, de vous la jouer Call
of Duty Napoleon edition (et d’entonner un fervent Links 2, 3, 4). L'occasion également d'enrichir votre vocabulaire teuton. Par
exemple, la signification du mot "Zweig" hurlé à plein poumon par la personne vous précédant demeure mystérieuse ? Kein Panik, le sens vous apparaitra d'une limpidité étonnante après vous être mangée
une branche en pleine poire (à ce
moment, j'aurais juré que Fritz a été parcouru d'un frisson s'apparentant clairement à un
gloussement).
Du "On ne se fout pas de vous sur la
marchandise", ou de l'appréciation malléable du temps allemande
Votre folle épopée ne s’achèvera qu’après 5 heures de cross intensif.
Oui, 5 heures. L’équitation à l'allemande, c’est comme le clubbing: en dessous d'une durée minimale de 6 heures, ça ne vaut
même pas le déplacement. Toi qui a cru que ce serait une petite virée simpatoche
à gentiment gambader comme sur les rivages de Cabourg, les embruns de la mer dans les
cheveux*, tu t'es grandement fourvoyé. Ici on est en Allemagne, pas sur tes plages de topette
pour monter comme une topette en caleçon serré de topette. Vous voilà donc de
retour aux écuries, épuisée mais débordante de joie, d’amour et d’endorphines.
Fritz (qui après votre petite opération Blitzkrieg au grand galop ne fait plus
du tout le malin) vous dévisage d'un œil torve lorsque vous vous jetez sur les carottes
qui apriori lui étaient destinées. Mais pour vous faire pardonner, et ce malgré
les invectives de Janis-Stefan, vous le bichonnez à coté de Fleur; le voilà content
(« si tu veux je t’arrange le coup, 20 minutes dans le box du fond, en
tête à tête »).
*celui qui a compris la référence télévisuelle
aura une sucette.
De la bonne utilisation de l'acronyme YOLO
Conséquence des 5 heures, le retour à la terre ferme
s'avère sévère. Il n'y a qu'un train par heure pour rentrer, le prochain est
dans 10 minutes, mais votre démarche "je peux pas j'ai eu gang bang" rend clairement tout footing impossible. Heureusement, votre hôte/boyfriend/whatever a l'art et la manière de remotiver
les troupes: « tu sais on est dans un village allemand. C'est sûr, il y a
encore des nazis ici. Perso je m'en fous de me retrouver dans une cave aménagée
en hommage à Mengele (votre hôte/boyfriend/whatever
est calqué sur le modèle aryen: grand, blond, musclé et amateur de latex. La fierté de la nation), mais
toi par contre... Enfin moi, je dis ça je dis rien. C'est quoi déjà le truc
débile que vous les touristes vous répétez à longueur de temps? YOLO?" (qui
a dit que les allemands n’étaient pas drôles). Et vous voilà donc, malgré votre
postérieur braillant à l'assassinat, à taper le sprint de votre vie. Fritz a dû
bien se marrer en vous regardant détaler.
"le distinguo fondamental entre mec français/berlinois"... Vous êtes méchantes !! Sinon très drôle, comme d'hab :) Enfin, le filet sans mors on s'y fait au bout d'un moment, je vous assure
RépondreSupprimerMalcolm !! ;) drôle et bien écrit as usual
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