mardi 18 février 2014

Review livre - Berlin 2005, Bernard Plossu / Jean-Christophe Bailly

Nous l’avions déjà énoncé, Berlin est, pour une raison inconnue, une ville qui se révèle en noir et blanc. L’hiver tout particulièrement, les couleurs semblent échapper à la rétine numérique ou argentique; comme si les murs les absorbaient, ou si la capitale s’en faisait avare. Il y a pourtant une palette infinie de gradations et de subtilités dans le noir et blanc ; quelque chose de tout aussi riche mais plus percutant, plus caractériel, débarrassé des fioritures faciles de la couleur. En tout cas, pour nous, la ville se révèle dans l’austérité et l’honnêteté du noir, du blanc ; Berlin 2005 en est une superbe illustration.

Dans la série de Bernard Plossu, un premier constat s’impose : au contraire des représentations communes berlinoises, exit les stigmates de l’Histoire. Et en conséquence, pas de cette mélancolie lancinante qui frappe si fort lors des premiers voyages, lors des premières errances. Ou du moins, pas de prime abord. Ici nous parvient en tête le sens d’une ville en mouvement. Résolument moderne, presque impersonnelle. Le photographe ne cherche pas à embellir Berlin en nous inondant de clichés carte postale, mais préfère la restitution systématique et symétrique des friches, de ces immenses bâtisses, proche de la photo d’architecture. Les contrastes – et non pas la nuance – sont très forts, une ombre dont presque rien ne filtre fendue à un point précis par des éclats lumineux ; de cette manière, le photographe nous promène de ces immensurables espaces ouverts à des huit-clos calfeutrés, presque étouffants.

Mais il y a autre chose, au-delà de cette objectivité presque froide. Plus nous avançons dans la série en nous éloignant des modernes citadelles de verre de Postadmer Platz, plus les espaces deviennent disparates, dans cette amplitude qui peut, parfois, en devenir angoissante. Pas de mélancolie évidente, nous l’avons dit, mais pas non plus de cette bonhomie publicitaire accolée au sourire de beaux teufeurs hispters berlinois, comme le monde se plait à nous la vendre. Les hommes ici (humains, de marbre ou de plastique ; ils se confondent) ont l’air très seuls. 

S’il fallait, dans cette collection, choisir un cliché, nous en retiendrions la première photo : au milieu des fenêtres d’un de ces innombrables et imposants bâtiments d’une symétrie massive - et moche -, une statue antique apparait, observant la rue. Elle aurait très bien pu échapper à l’objectif ; tout comme si nous n’y regardons pas attentivement, de Berlin pourraient nous échapper le rêve, l’absurde, l’Histoire. Une très belle série.

 Pour découvrir le livre, rendez-vous sur le site de Mediapop-Editions (merci à eux pour la belle découverte).

by Juju

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