
Car
oui, après quasiment 4 années d'absence, les prodiges berlinois étaient de retour avec un nouvel opus sobrement
intitulé „II“. Peut-être que dans cette numérotation minimaliste se
remarquait inconsciemment la difficulté de rebondir après un
premier album éponyme étourdissant... Mais ne nous perdons pas
dans les affres la psychologie de comptoir estampillée „presse
féminine“. Pour ceux qui auraient miraculeusement évité leur
premier raz de marée, Moderat est issu de la collaboration entre
Modeselektor que nous ne présentons plus, et Apparat, que nous ne
présentons plus non plus. Le pari était assez couillu : les
deux formations n’ont plus rien à prouver dans leur discipline
propre, et un Modeselektor bis sur lequel viendrait se greffer la voix
aérienne de Sascha Ring n’aurait qu’un intérêt très limité.
Mais, plutôt que de jouer la carte de la sécurité, et prenant par
la même occasion tout le monde de court, le trio avait délivré un
premier opus époustouflant, prouvant que Moderat, bien au-delà du
statut de combo 5 étoiles, alliait les atouts des deux formations en
parvenant le tour de force de maximiser les qualités et annihiler
les défauts de ces dernières. Moderat dépassait de loin ses
deux matrices, se créant une identité sonore unique, sombre,
monstrueuse. Depuis, les garçons s’en étaient retournés vaquer à
leurs occupations, et force était de prendre en considération
l’inavouable supposition : Moderat c’était peut être fini,
tel un one-shot fabuleux qui aurait eu soin de tout balayer sur son
passage avant de s’éteindre, un flash très vite disparu mais dont
les beats hanteraient longtemps les recoins de nos cerveaux. Et puis
il y a 6 mois, ô miracle la page FB s'était remise à battre, le
groupe s'est reformé. C'était reparti.
Et
donc, qu’en pensons-nous, de ce fameux „II“ ? Difficile
d’écouter cet album avec des oreilles neutres: d’un coté
résonnent les échos toujours prégnants des bombes New Error,
Rusty Nails, Porc #2 et j’en passe, de l’autre bourdonne le
parasitage extatique d’une presse dithyrambique au point que ça en
devient suspect (et puis faire la bande sonore de la pub Zara…
bref). Moderat, le nouveau groupe consensus ? We are afraid
so. Attention, nous ne sommes pas critiques, juste mélomanes
du dimanche. Et nous reconnaissons que la musique sied à chaque
subjectivité à un instant précis. Créer est une
histoire de parti pris (oui, on continue à enfoncer des fenêtres):
refaire le même disque? Changer radicalement? Bref... Ceci dit et
pour faire simple, „II“ est à notre sens un excellent album ;
qui n’atteint jamais l'intensité de son prédécesseur. Ou
peut-être est-il de ces objets qui demandent beaucoup de maturation
à l'auditeur et de longues heures d'écoutes pour finalement se
révéler; nous en jugerons dans quelques mois.
Là
où le premier, sombre et exigeant, nous propulsait perpétuellement
du ciel à la terre (Slow Match, le génialissime Seamonkey…),
il semblerait que le groupe ait pris comme leitmotiv son titre
Let In The Light : l’album se cantonne donc aux sphères
aériennes. Si l’objet, léger, vaporeux et mélodieux à souhait
présente de tout son long une facture d’excellence, il n’atteint
étrangement que rarement la subtilité hypnotique de son
prédécesseur (This Time), peut-être parce que „Moderat“
1er du nom ne s’élevait jamais aussi haut qu’en
mettant en scène des atmosphères écrasantes – d’où son génie
–, ce que „II“ ne parvient jamais (n’essaie même pas ?)
à reproduire. Les ingrédients sont là, vagues de synthé et rondes
incantatoires en première ligne, mais la mayonnaise ne prend plus au tripes comme précédemment (Milk). Finalement bien moins
expérimentale („Moderat“
est souvent considéré à tort comme un album résolument techno
(surement des gens qui n’ont écouté que le 1er titre).
Personnellement nous n’en avions pas vu beaucoup, des albums techno
avec des titres ragga), „II“ apparaît être d’une fabrication
également plus classique. Pour preuve le premier single Bad
Kingdom (ou Damage Done du même acabit) certes imparable
et immédiat, mais finalement assez conventionnel dans sa facture.
En
conclusion, il nous faudra sûrement apprendre à extirper „II“ de l’ombre bien trop imposante de son grand frère, et
à l’apprécier non pas sous les feux de son prédécesseur,
mais pour ce qu’il est : en faisant la part belle à la voix
enchanteresse de Sascha Ring ainsi qu’à des mélodies plus
travaillées et lumineuses, „II“ se révèle un très bel album
de post-pop électronique, ne gardant de la noirceur envoûtante du
premier opus qu’une douce mélancolie. De la terre ou du ciel, à vous
de choisir.
II, titre par titre.
The Mark – Interlude.
Ouverture sombre sur synthé lointain et fantomatique; ne pas se fier
aux apparences, l'introduction n'annonce
pas la facture de l'album.
Bad Kingdom.
Le hit et 1er single de „II“,
tranchant complètement avec la chanson précédente.
La ligne de synthé/basse rappelle par sa puissance le
courant de fond de A New Error. La voix très présente
et le rythme dansant suffisent à rendre la chanson étonnement
électro-pop. Une vraie réussite bien calibrée, qui fera furie au
Wanderlust.
Versions.
1ere chanson ohne lyrics. Suivant la logique directrice de l'album,
le titre est aérien, dispensant des échos presque aquatiques. Son
rythme rapide et enlevé, proche de la soft drum&bass, rajoute à
la sensation de légèreté.
Let The Light In.
Notre summer hit, et sans faire de mauvais jeux de mot, un titre
véritablement lumineux. Les voix retravaillées, très présentes,
font écho à d'hyper mélodieuses nappes sonores. Le rythme plutôt
lent tout en restant dansant transforme le titre en ballade radieuse.
Milk.
Notre titre favori. Subtil et travaillé, le morceau fonctionne sur
un principe de ronde et de répétitions, se construisant sur 10
minutes d'ajouts minimaux. Léger au début, il acquiert de la
puissance sans que l'auditeur ne s'en rende compte. Sied très bien à
Berlin en été.
Therapy.
Beau titre ambiant au rythme enlevé, peut être le plus sombre de
l'album.
Gita.
Titre minimaliste aux voix très présentes.
Clouded (Interlude).
Llona.
Autre titre ambiant au rythme
particulièrement dansant. Mais à part ça, on ne sait pas trop quoi
vous dire sur ce morceau, si ce n'est qu'il fonctionnera sûrement
très bien dans les clubs berlinois.
Damage Done.
Deuxième hit imparable de l'album, berceuse mélancolique et
nocturne. Les nappes sonores se font discrètes et subtiles afin de
parfaitement magnifier le chant : le titre
fait la part belle à la voix de Sascha Ring,
qui nous prouve encore une fois qu'il est un immense chanteur (pour
ceux qui en doutaient).
This Time.
Conclusion punchy, puissante et lyrique, toujours
aussi mélodieuse.
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