On
l'a dit, redit, radoté, il y a même des livres sur le sujet (pour
vous dire!) : la drague à Berlin, c'est pas la joie. Enfin...
C'est pas la joie si vous avez décidé de vous comporter comme une
princesse inaccessible, habituée aux gros lourds franchouillards
qu'il va de toute façon falloir asperger de lacrymo pour qu'ils se
découragent à vous compter fleurette. En soit, parole de
connaisseuses, si vous vous la jouez camionneuse
non-subtile-qui-va-droit-au-but, tout en conservant
un minimum de ce charme tout français qui décontenance la gente
masculine internationale, ça fonctionne. Pour un soir du moins, car
comme dirait votre hôte/boyfriend/whatever : « faut
pas non plus trop en demander ». Ou peut être n'avions
nous rien compris aux codes berlinois, peut-être que le terrain de chasse n'était
ni la boîte, ni le bar, ni la piscine, ni la house-party,
ni la chambre, ni le lit. Peut-être qu'il y avait une autre
cartographie de la drague, une différente géographie, une antre de
l'émulation libidinale insoupçonnée. Et que cette antre s'appelle
Dussmann.
Vous débarquez un jeudi après une journée de taf (comprendre: « je ne suis pas du tout en mode bombastique, prions pour ne pas croiser Brad Pitt aujourd'hui») à Dussmann. Vous n'y étiez jamais allée, sûrement parce que vous ne vouliez pas donner raison à votre collègue allemand qui vous soutenait: « mais si on a un magasin comme „lö fnöc“ » ; d'ailleurs si vous vous y rendez, c'est juste histoire de confirmer que c'est forcément moins bien que la Fnac, vive la France, cocorico. Donc vous entrez, balayez l'ensemble d'un regard hautain qui se transforme vite en intérêt ébahi; tous ces titres allemands que vous ne pigez pas, c'est un peu fascinant. Ça vous rappelle vos jeunes années, quand vous ne saviez pas lire et que vous étiez attirée par la couverture criarde des bouquins les plus mauvais. De petit tour, vous passez en mode furetage en règle; après tout, vous avez beau faire genre vous êtes une meuf ghetto/beauf (avec un peu de chance, avec vos autres copines ghetto/beauf vous tenez un tumblr dont les posts prouvent sans appel que vous êtes une droguée, une alcoolique et une détraquée sexuelle, mais pas une amie de la culture), en vrai sommeille (très profondément) en vous une nerd à lunette qui lisait Sartre en 5ème et pleurait quand elle avait en dessous de 17/20. Tout ça pour dire, restez 5 minutes dans un endroit rempli de livres et on vous perd ; chassez le naturel (même très bien enfoui) il revient au galop. Vous commencez donc à fouiner méticuleusement, à la recherche d'un ouvrage pour enfant pas trop compliqué (vous êtes tombée sur la Nausée, vous l'avez effleuré, et puis vous vous êtes dit qu'il y avait des limites aux défis irréalisables).
Et c'est en furetant que vous tombez sur un des nombreux spécimens de cette espèce bombasse qu'est le berlinois (comment vous savez qu'il est berlinois? „Le flair, ma bonne dame“). Il est assis, il lit un truc imprononçable signé Hegel, il ressemble à Dean Winchester avec une meilleure coupe de cheveu. Malgré cela vous ne vous rincez même pas l’œil (oh ba non, pourquoi se faire du mal? Rapport allemand au corps intériorisé pendant 6 mois oblige, vous verriez le nouveau Superman à poil que vous ne moufteriez même pas et penseriez simplement : „tiens, un être humain de sexe masculin nu. Bien. Bertha, où est la Sauerkraut?“), mais vous vous concentrez intensément sur le titre donc la signification demeure mystérieuse, convoquez tous vos synapses valides, vazy-kiki-tu-vas-y-arriver. Au bout de quelques secondes de réflexion, vous relevez votre figure dont l'expression concentrée a viré mi autiste mi « j'ai le colon bouché ». Le détenteur de l'ouvrage vous dévisage. Oui, parce qu'en fait, ça fait bien 3 minutes que vous essayez de déchiffrer son truc. Il observe la couverture à son tour, re porte son regard sur votre personne, et vous sourit. Ça vous fait l'effet d'une mini décharge électrique : qu'est ce que c'est que ce mec chelou qui ose manifester une once de bonne humeur? Non mais oh! Vous froncez les sourcils et retournez à vos moutons, jusqu’à ce que vous sentiez un petit pincement le long de votre échine, le genre de sensation qui normalement se trouve déclenchée par un regard appuyé, et qui ne s'est donc pas manifestée depuis 6 mois. Vous vous dites que votre radar à drague potentielle est en panne, que c'est tellement la loose pour lui qu'il en vient à s'inventer une vie. Vous relevez prudemment les yeux. Et pourtant... Dean W. Hegel vous dévisage bien. Vous vous retournez pour vérifier qu'il n'adresse pas ses regards à une autre personne, avant de remarquer que vous êtes quasiment adossée à la bibliothèque (et qu'en conséquence ce mouvement sera le plus ridicule de votre journée). Et là ô miracle, il se lève, se dirige dans votre direction, s’arrête devant vous (à ce stade vous doutez toujours qu'il vienne pour vous parler), et adresse des mots apriori à votre encontre (vous êtes à deux doigts de re vérifier qu'il ne s'entretient pas avec le mur derrière vous):
Vous débarquez un jeudi après une journée de taf (comprendre: « je ne suis pas du tout en mode bombastique, prions pour ne pas croiser Brad Pitt aujourd'hui») à Dussmann. Vous n'y étiez jamais allée, sûrement parce que vous ne vouliez pas donner raison à votre collègue allemand qui vous soutenait: « mais si on a un magasin comme „lö fnöc“ » ; d'ailleurs si vous vous y rendez, c'est juste histoire de confirmer que c'est forcément moins bien que la Fnac, vive la France, cocorico. Donc vous entrez, balayez l'ensemble d'un regard hautain qui se transforme vite en intérêt ébahi; tous ces titres allemands que vous ne pigez pas, c'est un peu fascinant. Ça vous rappelle vos jeunes années, quand vous ne saviez pas lire et que vous étiez attirée par la couverture criarde des bouquins les plus mauvais. De petit tour, vous passez en mode furetage en règle; après tout, vous avez beau faire genre vous êtes une meuf ghetto/beauf (avec un peu de chance, avec vos autres copines ghetto/beauf vous tenez un tumblr dont les posts prouvent sans appel que vous êtes une droguée, une alcoolique et une détraquée sexuelle, mais pas une amie de la culture), en vrai sommeille (très profondément) en vous une nerd à lunette qui lisait Sartre en 5ème et pleurait quand elle avait en dessous de 17/20. Tout ça pour dire, restez 5 minutes dans un endroit rempli de livres et on vous perd ; chassez le naturel (même très bien enfoui) il revient au galop. Vous commencez donc à fouiner méticuleusement, à la recherche d'un ouvrage pour enfant pas trop compliqué (vous êtes tombée sur la Nausée, vous l'avez effleuré, et puis vous vous êtes dit qu'il y avait des limites aux défis irréalisables).
Et c'est en furetant que vous tombez sur un des nombreux spécimens de cette espèce bombasse qu'est le berlinois (comment vous savez qu'il est berlinois? „Le flair, ma bonne dame“). Il est assis, il lit un truc imprononçable signé Hegel, il ressemble à Dean Winchester avec une meilleure coupe de cheveu. Malgré cela vous ne vous rincez même pas l’œil (oh ba non, pourquoi se faire du mal? Rapport allemand au corps intériorisé pendant 6 mois oblige, vous verriez le nouveau Superman à poil que vous ne moufteriez même pas et penseriez simplement : „tiens, un être humain de sexe masculin nu. Bien. Bertha, où est la Sauerkraut?“), mais vous vous concentrez intensément sur le titre donc la signification demeure mystérieuse, convoquez tous vos synapses valides, vazy-kiki-tu-vas-y-arriver. Au bout de quelques secondes de réflexion, vous relevez votre figure dont l'expression concentrée a viré mi autiste mi « j'ai le colon bouché ». Le détenteur de l'ouvrage vous dévisage. Oui, parce qu'en fait, ça fait bien 3 minutes que vous essayez de déchiffrer son truc. Il observe la couverture à son tour, re porte son regard sur votre personne, et vous sourit. Ça vous fait l'effet d'une mini décharge électrique : qu'est ce que c'est que ce mec chelou qui ose manifester une once de bonne humeur? Non mais oh! Vous froncez les sourcils et retournez à vos moutons, jusqu’à ce que vous sentiez un petit pincement le long de votre échine, le genre de sensation qui normalement se trouve déclenchée par un regard appuyé, et qui ne s'est donc pas manifestée depuis 6 mois. Vous vous dites que votre radar à drague potentielle est en panne, que c'est tellement la loose pour lui qu'il en vient à s'inventer une vie. Vous relevez prudemment les yeux. Et pourtant... Dean W. Hegel vous dévisage bien. Vous vous retournez pour vérifier qu'il n'adresse pas ses regards à une autre personne, avant de remarquer que vous êtes quasiment adossée à la bibliothèque (et qu'en conséquence ce mouvement sera le plus ridicule de votre journée). Et là ô miracle, il se lève, se dirige dans votre direction, s’arrête devant vous (à ce stade vous doutez toujours qu'il vienne pour vous parler), et adresse des mots apriori à votre encontre (vous êtes à deux doigts de re vérifier qu'il ne s'entretient pas avec le mur derrière vous):
« Vous
cherchez ce livre?
-
…
-
Mademoiselle, vous cherchez ce livre?
-
(Putain "mademoiselle", ça doit être moi... reste cool, reste cool)
Quoi ??! (pour la politesse, on repassera. En même temps ça
fait 6 mois que des connards vous balancent
la porte du ubahn dans la gueule et ne s'excusent pas quand ils vous
rentrent dedans à vous en déboîter l'épaule. On s'adapte).
-
Ce livre, vous le dévisagiez, je peux vous le trouver si vous
voulez.
-
Oh non, j'essayais juste de lire le titre. » Glapissements
nerveux amplifiés par la prise de conscience que votre dernière phrase
était digne de la pire des demeurées. D'ailleurs vous vous attendez
à ce que le jeune homme se barre d'un coup, qu'il disparaisse, qu'il s'évapore
dans les airs comme ses congénères ont tendance à le faire. Mais
non. Il est toujours là, toujours à vous dévisager.
-
… Ouai.
Je me rappelle que la première
phrase est incompréhensible. Il en fallait pas plus pour que je
m'endorme à tous les cours sur
le sujet.
-
Ha
Ha Ha! » Oh putain, votre blague qui n'en était pas une l'a
fait rire. Grosse suspicion. Restons
prudente,
c'est peut être un pervers.
« Et
donc.... Vous cherchez un ouvrage en particulier?
-
Pas
vraiment, je cherche un livre pour enfants.
-
Pour
qui? » En
tant normal
vous auriez balancé un gros mytho,
« pour ma nièce », mais quelques
années à vous prendre dans la face l'honnêteté au vitriol de
votre hôte/boyfriend/whatever
berlinois
ont
également
laissé des séquelles.
Et
donc...
« C'est
pour moi, pour m’entraîner
avec
votre langue.
-
Ah
bon... C'est
une très bonne méthode. Vous êtes courageuse d'apprendre, en plus
à Berlin
tout le monde parle anglais...
-
Ouai
je suis surtout très conne. Conne au carré.
-
LOL ! » Oui, il
rigole. Genre, un franc et vrai rire. C'est clairement un pervers.
Vous
décidez de ne
pas relancer la conversation.
Le
mec va se dégonfler comme une baudruche, vous parlez d'expérience.
Que nenni.
« Et
vous êtes d'où?
-
Paris.
-
Aaaah,
la ville romantique par excellence » en français.
Bon là, Dean
Winchester
qui s'exprime
dans la langue de J-B
avec un léger accent allemand, c'en
est trop, vous capitulez. Et
donc, 30
minutes plus tard durant
lesquelles vous avez balancé plus de conneries que de raison
(entre
autre: « Vous faites quoi à Berlin? -
Bah
comme tout expat qui se respecte,
je me
branle la nouille. Avec la complainte facile en plus, parce que je
suis française ».
Et
un moment surréaliste : « c'est
marrant le point de vue des étrangères
sur les mecs allemands.
J'ai
vu ça
sur un
tumblr fait
par
des filles françaises,
je
ne
savais pas qu'on était con comme ça.
-
…Hum...
Ouais,
mais vous êtes des bons coups, ça
rattrape un peu. Enfin je le connais pas ce tumblr, je dis ça
je dis rien...)
et où vous avez porté avec force
les couleurs de la mauvaise humeur made in
Frankreich à
un point presque
inquiétant
(« c'est étonnant, ton
accent américain. - Ouai alors je le vis pas très bien, donc merci
de le faire remarquer. - Je voulais juste dire que tu
parlais
très bien anglais. - Je sais. Ou alors tu
veux
dire pour une française,
c'est ça
?“ (Who
let the dogs out en
fond sonore)), vous
avez appris que Dean (qui
s'appelle en fait Chris) a
28 ans, born
and raised
à Berlin, vétérinaire, omnivore,
adore
les chevaux (vous avez failli le demander en mariage à ce moment),
a voyagé partout,
trouve que le dernier Kanye West
est une bombe, et considère que l'on peut „obtenir beaucoup d'accomplissement personnel dans
une relation“.
Et là,
au paroxysme du « nous nageons en plein délire », il vous
pose la question qui tue: « et
sinon
ça
te
dit un verre, un jour? Je
t'invite ». S'en
est trop,
vous pouffez
de rire à
vous étrangler avec votre propre salive: « pardon?
C'est
une caméra cachée non? Parce
que bon,
berlinois pas vegan qui
aime de la bonne musique,
qui a fini ses études de véto, qui aborde une fille sans
être apriori défoncé sous
MD, et qui propose de payer le verre...
Elle est où la blague? » Là, par contre, il reste perplexe et
vous dévisage, un peu décontenancé. Vous, passé l'euphorie
de votre balourdise pas drôle,
vous commencez à vous sentir mal. Si ça
se trouve le mec est vraiment intéressé, il s'est mis un énorme
coup de pied au derrière pour oser vous parler, et là vous êtes
en train de le ruiner, c'est terrible. Déjà
qu'ils sont complètement handicapés
à ce niveau, ça
doit lui demander un effort surhumain.
Ou alors... « Tu
serais pas
un pervers par hasard? »
1er
conclusion :
exit
le Berghain, le KaterholziC
(„C“pour
que la Gestapo
française
(forcément) de l'orthographe allemande fasse une embolie
pulmonaire),
le
Club
Der Visionäre
et
compagnie. ZE
place to be,
c'est Dussmann, dans le tier-quart
de Friedrichstraße bitchiz.
2eme
conclusion: vivement octobre pour la nouvelle saison de Supernatural (Misha "Pizzaman" Collins, will you marry me? Please? Allez quoi, j'ai dit please bordel !)
3eme
conclusion: 6 mois à Berlin vous ont donc rendue mal aimable,
hermétique aux signes de la drague classiques et à l'humour. Et
hystéro du currywurst. Guénial.
by Juju
by Juju
Magnifique article, j'adore!
RépondreSupprimerHaha, merci beaucoup !
SupprimerJe ne crois pas un mot de toute cette histoire. Vous affabulez. Tout ceci est impossible.
RépondreSupprimerOn a le 06 pour preuve ;)
Supprimeret la suite?
RépondreSupprimerJ'ai adoré cet article ! Franchement très drôle ;) Mais je demande aussi à avoir la suite, haha !
RépondreSupprimerExelent, le vieux francais berlinois que je suis trouve ca génial!!!!!
RépondreSupprimerDaBigSeb