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photo credit: Stefan Hoederath |
Il y a ceux qui ne se lassent jamais de la
fête berlinoise dans son sens cliché, trivial et à la longue un peu
vulgaire : beaucoup de drogues, beaucoup du combo qui tue club-mate/vodka/bière, beaucoup de queue pour espérer entrer au Katerholzig et autre
Renate Club, beaucoup d’électro « à teneur qualitative discutable ».
Et puis il y a ceux - ou celles - qui aiment bien se plaindre et que ça finit
donc par profondément emmerder. Si vous faîtes partie de cette catégorie-là, et
espérez tout de même découvrir un facette autre que celle offerte par la carte
postale berlinoise, deux possibilités s’offrent à vous: soit vous avez
beaucoup d’argent, de temps libre passé à flâner et un capital social proche du
Twitter de Justin Bieber. Soit vous avez la chance d’avoir une amie très
spéciale, une Berlinerin
Frenchie qui connait
intimement la ville et est toujours là pour vous dégoter des plans improbables
qui vous prouveront une fois de plus que non, Berlin ne se résume pas à la
Sainte Trinité « currywurst/kétamine/Alexanderplatz ». Grâce à elle,
sait-on jamais, vous pourriez atterrir au club Gretchen un
lundi soir pour vous pâmer devant les exploits musicaux d’un trio
violoncelle/piano/flûte. Oui, au Gretchen. Non cette phrase n’est pas une
succession d’oxymores. C’est ça aussi Berlin.
Donc lundi, après avoir (bien) entamé
la soirée en redécouvrant les bars de Mehringdam, vous voici devant le
Gretchen. Petit moment de malaise, ne sachant pas trop comment vous comporter :
après tout, nous sommes lundi, vous ne vous êtes donc pas encore remise du
week-end ; repartir sur des Jäggerbombs,
ça fait un peu désordre. En même temps, vous vous rendez au Gretchen : s’enquiller
des verres avant d’y rentrer tient presque du réflexe pavlovien. Mais vous
allez quand même voir du classique, alors merde, un peu de tenue, de classe et
de dignité s’imposent. Quoi que vous ne vous êtes jamais retrouvée à poil sur
un bar à faire tourner les serviettes sur du Wagner… Il y a un début à tout. D’ailleurs,
vous n’êtes pas la seule à ne pas savoir comment agir. Le videur à double
emploi fait preuve d’un peu de difficulté à s’ajuster à la soirée, et vous
demande sur le ton bourru de celui qui vient de te virer un troupeau d’anglais manu militari d’ouvrir votre sac. Dans
la panique, vous vous mettez à décliner votre état civil jusqu’à la troisième
génération dans un allemand impeccable, réflexe hérité de vos attentes moites en
face du Berghain ou du Sisyphos. Une fois entrée, vous vous faîtes remarquer en
sirotant votre énième consommation que c’est quand même bien pratique de
pouvoir assouvir deux de vos passions sans culpabiliser (la boisson et la
musique classique) ; ou plutôt, que l’assouvissement de l’une vous fait grandement
déculpabiliser quant à l’assouvissement de l’autre (on vous laisse deviner
laquelle).
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photo credit: Stefan Hoederath |
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photo credit: Stefan Hoederath |
Expérimenter le Gretchen en
dehors de son emploi de boîte trashy
est un absolu ravissement. Le club, libéré de sa clientèle habituelle, éclairé par les lumières chaudes des écrans
installés en ses quatre coins et bercé par la musique d’ambiance créée pour l’occasion
se révèle étonnement agréable, calme et cosy. Une ambiance délicieusement
classe et vaporeuse a envahi l’endroit, qui vous apparaît sous un jour
totalement nouveau. Vous n’aviez jamais remarqué les hauts plafonds en arcades.
Ni les moulures. Ni tous ces canapés pourpres style rococo, généralement perdus
dans la pénombre ou sous des individus trop raides ; le tout magnifié par
un piano à queue trônant au milieu de la scène aménagée pour la soirée, sans dépareiller,
bien au contraire. 22h, les musiciens arrivent. Vous vous adossez à l’un des nombreux
piliers et admirez le spectacle. Le concert commence par des duos
piano/clarinette, rejoins plus tard par un violoncelliste. Les pièces sont
assez courtes et toutes précédées d’une introduction quant au compositeur et à
l’œuvre en elle-même. Les musiciens sont jeunes, séduisants, drôles, et ne font
pas étalage du solennel ampoulé dont certains de leurs semblables plus âgés peuvent
se révéler atteints. Malgré la bonne humeur et la légèreté apparente, le trio
demeure pleinement à son art et offre un concert efficace, accessible tout en alternant
entre des styles très différents. Du classique, nous passons par l’espièglerie jazzy
de Gershwin, pour ensuite apprécier l’avant-gardisme anticonformiste de Debussy
(cocoricooo !!), et enfin redécouvrir le mal connu mais très productif
Cimarosa. Aucunes fausses notes, la musique est jouée avec emphase, passion et
même humour. En résumé : 6 euros pour un excellent concert de classique
dans un lieu non conventionnel et d’autant plus attractif… Que demande le
peuple ? Berlin, du bist so
wunderbar.
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photo credit: Stefan Hoederath |
Musciens: Andreas Ottensamer (Klarinette), Jose Gallardo (Klavier) und Stefan Koncz (Cello)
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