lundi 8 juillet 2013

Fashion Week - Berlin Fashion Film Fest + Charlie Le Mindu Catwalk

La mode et Berlin. L’expression n’est pas complètement antinomique, pas tout à fait antithétique et pas non plus digne de l’oxymoron (oui prépa oblige, nous pouvons longuement continuer dans la figure de style surannée). Elle ne coule pas non plus de source ; l’association est bizarre, racle le palet et vrille le tympan. Il ne suffit que d’une visite dans cette chère capitale allemande pour rapidement reconnaître cette évidence : Berlin et la mode, il y a encore du chemin à faire. Partant de ce constat, il est logique que la ville soit loin de faire autorité en matière de Fashion Week, et les grands noms  ne prennent même pas la peine de s’y déplacer. A défaut de produire des designers hot, la capitale attire de plus en plus de jeunes talents fatigués de devoir se conformer à un système phagocyté par une oligarchie indétrônable aux codes difficilement modifiables. C’est à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle. Mauvaise, car la classe dirigeante piochant également dans la plèbe pour se reproduire, la mode berlinoise n’échappera pas au processus de gentrification dont la ville se voit la victime. L’avantage de ce statut de poulain prometteur piaffant de plus en plus rageusement dans les starting-blocs est immédiat : il faut se rendre maintenant à la Fashion Week berlinoise, et au moins pour les 5 prochaines années (avant qu’elle ne devienne un nouveau Londres, avec les prix qui vont avec). Durant une semaine, la ville s’anime de pop-ups events tous plus délirants les uns que les autres, et a le mérite de proposer des shows extrêmement intéressants, pas encore dévorés par la dictature du VIPisme (enfin, pas trop). Par exemple, nous a été offert la possibilité d’admirer le travail du Frenchie Charlie Le Mindu, créateur des coiffures de Lady Gaga. En bonnes modeuses trop feignasses pour se bouger à la cheap Bread & Butter (cheap parce qu’on est des rageuses), mais bénéficiant d’heureuses opportunités (un post indirect sur Prada semble ouvrir beaucoup de portes. Il faut bien qu’il y ait des avantages à tenir un blog), nous voici donc guest-listées pour assister à la soirée de clôture du Berlin Fashion Film Festival. Et nous avons été très agréablement surprises. On vous raconte.
Berlin Fashion Film Festival 2013 Award Show.

Créé l’année dernière, le Berlin Fashion Film Festival était donc de retour pour, toujours dans l’esprit alternatif cher à notre bien aimée Berlin, célébrer la mode dans ce qu’elle propose de plus innovant. Au programme, une vingtaine de court-métrages. Nous avons craint l’étalage excessif  du faste et de la vacuité propres au milieu, nous nous sommes agréablement trompées. Certes, certaines œuvres faisaient la part belle à une réflexion pseudo-métaphysique de comptoir quand d’autres se cantonnaient au registre du spot publicitaire, mais la plupart se sont révélées de fort jolies surprises. Dans le lot bien entendu, beaucoup de beauté filiforme, de garde-robes comptabilisant le PIB du Ghana et du maquillage à repeindre notre appart. Mais également, de l’inquiétante étrangeté hyper stylisée (Odditory, Belle De Jour ou I Like This Girl). Et étonnement, beaucoup d’humour, de lucidité grinçante et de décalage aigre doux (Prada Candy de Wes Anderson avec notre Léa Seydoux ou Dogs in Sunglasses pour Diesel). Mention spéciale au film Fashion Film, véritable soufflet infligé au délire onaniste de la bloggeuse modeuse moyenne (autant vous dire qu’après celui-là, il a fallu redoubler d’ingéniosité pour répondre à la question « et vous, vous faîtes quoi ici ? » sans prononcer le mot bloggeuse : nous sommes passées de mannequin Prada (165 demandes d’amis FB dans les 5 minutes qui suivirent) à infiltrée d’une ONG contre l’usage de la fourrure, en passant par maîtresse du host de la Fashion Week (« ah bon ? Mais je pensais qu’il était gay ?? – Hum… Moui, c’est pour ça que j’ai dit « maitresse »)). Étaient également projetés de véritables ovnis, comme le court métrage  Alexandre Mc Queen FW2012 hommage au designer éponyme, réflexion condensée et minimaliste de 2 minutes sur la représentation du corps (obsession hantant le travail du créateur), ou encore Alter Ego narrant la rencontre d’un couple à travers le temps. La sélection présentait même Possession, une oeuvre bien sale contenant tous les clichés du trash berlinois (sex, drogue et minimal techno) histoire de montrer qu’on sait aussi s’encanailler chez les publicitaires. En bref – et en faisant abstraction de l’amateurisme absolu de la « maîtresse » de cérémonie – de très jolies surprises cinématographiques.

Fashion film


Défilé Charlie Le Mindu (cocorico !!) et afterparty

Faisant d’une pierre deux coups (la projection et l’after party se déroulant à l’Arena), les organisateurs avaient décidé de présenter le défilé au Badeschiff. Pour les malheureux qui ne s'y sont jamais rendus, c’est une sorte de station balnéaire (« ouiiiiiiii bien sûr ») sur la Spree, avec mini plage, bar et transats. L’endroit, bien que souvent bondé, est idéal pour chiller après le travail (en dehors des heures de pointe et une fois que les touristes américains ont déserté, Badeschiff retrouve sa population un peu redneck mais tellement cool et authentique).

Nb : autant vous dire qu’on a bien rigolé quand toutes les minettes en talon ont réalisé qu’elles allaient devoir se frayer un chemin dans 50 cm de sable.

Le catwalk débute, rythmé par une bande-son excellente mariant Techno martiale et Dubstep industriel. C’est sur ces basses chaloupées que de sublimes créatures or et noir apparaissent pour lentement défiler le long du ponton en bois. Apparues, c’est le mot ; dans la lumière déclinante, illuminées par le crépitement des flashs magnifié par le reflet aquatique, difficile de ne pas être envoûté par ces corps nus marbrés d’or et supplantés de coiffures plus improbables les unes que les autres. Cette nudité, au-delà du facteur provocation, le créateur la présente comme un hommage à la Femme, fantasmée et fantasmatique (« je trouve les femmes nues sublimes, c’est presque incroyable. Plus une femme est à l’aise avec son corps, plus elle devrait être nue »). Et ici en effet l'être féminin se voit sublimé, ses principaux « atouts » étant surexposés à l’extrême : loin du cliché des podiums parisiens, les mannequins sont ici très musclées et en forme (tout en restant fines, faut pas déconner non plus) ; leur chevelure, « première parure d’une femme » prend une place prépondérante. Cornes, spartiates, casque : la femme est également guerrière et animale, revêtue de toute une panoplie d’accessoires mythologico-guerriers. Le contraste entre la peau sombre des modèles et l’or de leur ornement ajoute à cette beauté irréelle, alors que leur silhouette se détache de plus en plus magnifiquement sur le ciel qui s’assombrit. En résumé, un moment inattendu et hypnotique ; et puis, un défilé qui se clôt sur Gesaffelstein ne peut qu’avoir nos faveurs.








Soirée clôturée sur le balcon du Badeschiff, avec vue imprenable sur Kreuzberg. Et puis ce qui se passe à l'Arena doit rester à l'Arena. Bisous!

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