#Review Musique - Ode à Lana Del Rey (15/04/2013, concert à Tempodrum, Berlin)
La nouvelle est tombée quelque part au mois de janvier, au détour d’un chai thé emmitouflé vers Bergmastrasse :
« et tu savais que Lana Del Rey passait en concert à Berlin ? Einh,
tu savais pas ? Non mais allô quoi ??! » ; la belle devait effectivement
se produire le 15 avril à Tempodrum. La décision d’aller apprécier la « Gangsta
Nancy Sinatra » live fut en soit une mini bataille interne. Pour
ceux qui auraient vécu sur Mars la dernière année, petit récapitulatif.
C’est
en juin 2011 qu'une langoureuse balade répondant au nom de Video Games débarque sur la toile : au milieu d’images vintages apparaît une rousse au visage
irréel et à la voix sans âge, miaulant une chanson d’amour. Apparition, c’est
le mot. Le clip devient viral, et il aura suffit d’une vidéo pour que l’establishment
musical, toujours en manque de nouvelles idoles, porte la dénommée Lana De Rey
aux nues. Très vite adulée donc, très vite décriée également. Tout d’abord, l’américaine
se révéla être une expérience visuelle au point de décevoir les attentes portées
par son premier album : sans l’image, Born
To Die laissait une étrange impression de déception. Ensuite, plus la star devint
incontournable et plus la posture d’artiste vaporeuse flottant dans le monde des
idées se craquela ; ses premières apparitions live ratées ne firent que renforcer
l’arrière-goût rance d’une pilule toujours plus difficile à avaler. Les critiques ont peut-être été aussi féroces car proportionnelles à la déception
engendrée par la destruction du mythe : avec elle, on nous avait promis de
l’authenticité artistique, et beaucoup ont fini par n’y voir qu’un autre
produit un peu mieux ficelé que les autres, assez pour nous avoir bernés plus longtemps.
Le décalage existant entre le discours de la demoiselle, mi intellectuelle mi
porte-parole d’une Amérique white-trash fantasmatique/fantasmée, et la
réalité révélant une autre gamine propulsée par une armée de
producteurs/marketeurs ayant flairé le coup très juteux (citons ses changements
physiques, ou encore la bataille juridique qu’à été son nom même pour en
témoigner) devint problématique. On ne peut pas se réclamer de Jim Morisson et
chanter pour une marque de voiture. Une artiste intègre cultiverait le secret, non
pas le chiffre d’affaire d’H&M. Un peu d’honnêteté intellectuelle ne fait
de mal à personne... En somme, beaucoup de contradictions nous empêchant d'apprécier la belle à sa juste valeur : une chanteuse et une songwriter d’exception.
GQ
Ces contradictions, elles nous avaient
énervées, déçues, nous qui avons été musicalement éduquées par des artistes crachant
rageusement sur le star system, middle
finger in the air. Artistes qui finalement en faisaient également partie.
Contradiction donc, un truc très humain... Et puis il y a eu l’hiver à Berlin. Il
y a eu sa froideur, il y a eu le gris des murs, la lumière blafarde des rues mal
éclairées. Il y a eu ce rejet de la musique berlinoise, cette répétition
permanente, cette absence de mélodies, ce vide émotionnel. Il y a eu les
déceptions, la solitude, l’amour qui se perd. Il y a eu l’obligation de
grandir. Et Lana Del Rey a alors pris une toute autre dimension. La chaleur de
sa voix, la perfection de ses mélodies, des paroles qui ont presque violemment
pris sens (I got a war in my mind…).
Sa beauté aussi, sa moue boudeuse, son immense bouche soulignée de rouge, aux
antipodes de la femme berlinoise moyenne qui a priori pense que féminité et
féminisme sont ontologiquement ennemies. Et puis il y a eu son EP Paradise. L’objet sentait l’embuscade
marketing à plein nez (et peut être l’était-il, mais franchement, who cares),
il se révéla être une claque dans un gant de velours. Les ingrédients restent
les mêmes, mais magnifiés : des paroles plus percutantes, des mélodies
enchanteresses, et cette voix, cette voix qui gronde, feint de se briser pour
mieux repartir, se perd dans des trémolos langoureux (Yayo, un bijou). Enfin il n’est plus besoin d’image, la musique se
suffit à elle-même. Après cet album, comme entendu au détour d’une conversation
de frenchies : « elle peut
faire de la pub pour Ricard ou McDo, rien à foutre, elle a toutes mes faveurs.
Et puis merde, t’as 25 ans, un mec de Sony vient te voir et te propose de produire
ta musique, de la jouer devant le monde entier et de poser pour L’Officiel… Et en plus les Inrocks pensent que tu es un génie… Moi
je me rase la tête et je me fais quintupler le volume des lèvres direct s’il le
faut ! ». Conclusion: c’est bon Lana, t’as gagné – et ce n’est pas faute de t’avoir
résisté. Tu as gagné.
by Denise Haas
Et donc, Lana del Rey vint à Berlin :
comme mentionné précédemment, nous avons expérimenté une petite bataille interne, les places n'étant pas données. Et puis nous nous sommes dit que s’extirper de l’hibernation
musicale ne nous ferait pas de mal. Et puis nous voulions voir ce qu’elle avait dans le ventre, car
près tout, on ment difficilement en live. Et puis 1er vrai concert à
Berlin. Petites remarques sur le public allemand. Tout d’abord, ne vous
attendez pas à voir des copycats de la jolie rousse, il y a de tout, pas de
type définit – en même temps, vous vous rappelez très bien du regard dédaigneux
que votre hôte/boyfriend/whatever
vous avait lancé à l’annonce de votre achat (auquel vous avez, nous l’espérons,
répondu par un bon : « Ah ba oui, de la musique avec des mélodies
(mais n’est-ce pas la définition de la musique ??), c’est sûr, tu connais
pas toi… Retourne donc te toucher au Katerholzic avec tes DJ en carton, et lass mich in Frieden. Pôv’ type »).
C’est sûr, Lana Del rey, ce n’est pas hyper coooool comme Ricardo Villalobos
(*bruits de vomissement*) –. Revenons sur le public allemand et ses curiosités. Quand la belle se fait attendre, il se met à siffler, chose improbable et
impensable en France. Ensuite, vous avez votre espace vitale, là où vous seriez
serré comme une sardine prête à violemment en découdre dans une des salles de l’Hexagone.
Ça ne s’excite pas trop, ça ne chante pas très fort, ça reste allemand. Avantage :
vous êtes dans votre petite bulle avec personne pour vous faire chier. Inconvénient :
pour l’ambiance électrique, moite et quasi christique propre à l’hystérie
française, on repassera. C’est sur une scène mi gothique
mi « Bienvenue à Palm Beach » que Lana Del Rey apparaît pour ouvrir
le concert sur Cola. Elle prend le
temps de descendre dans les premiers rangs, d’embrasser ses fans et de ramasser
les cadeaux qui lui sont frénétiquement adressés. Elle est belle (même si on n’a
pas été convaincu par sa robe… Oui, fallait bien qu’on critique einh, on est
française quand même), un peu irréelle comme dans ses vidéos. Fait intéressant,
au contraire de la plus part de ses consœurs superstars, Lana Del Rey n’est pas
une performeuse. Elle ne se met pas à se déhancher comme une professionnelle du
Hustler (ou comme Rihanna, ça dépend
des références). Elle n’harangue pas non plus la foule comme le ferait une Lady
Gaga dans ses moments « Do it like Johnny Rotten ». Au contraire. Magnétique
quand elle chante, elle apparaît timide quand la musique s’arrête. Complètement
investie par ses chansons, elle les vit pleinement mais d’une façon très introvertie,
sans épanchement, parvenant néanmoins à les porter vers une dimension bien
différente de celle proposée sur album. Une fois la musique terminée, elle apparaît néanmoins délicieusement gauche.
Du
coup, les hits s’enchainent à une folle cadence et ils y passent tous: Gods &
Monsters, Ride (illustrée par son magnifique clip), Blue Velvet, Like An American, Million Dollar Man, Summertime
Sadness, Born To Die, Video Game (où enfin la foule reprend
les paroles), et bien entendu Blue Jeans.
La chanteuse se permet même une reprise très réussie de Heart-Shaped Box et Knocking
On Heaven’s Door. La réorchestration live est excellente, permettant à certaines
chansons dont Burning Desire et
surtout National Anthem de trouver un
tout nouveau souffle. Les musiciens sont parfaits, et quant à elle, sa voix boostée
par l’émotion évidente de l’interprétation live laisse pantois. Bref, nous
avons passé deux heures subjuguées par une musique en état de grâce. Et c’est sur
National Anthem que la belle disparaît (littéralement), après être redescendue dans la fosse et avoir
remercié en « espérant revenir et continuer à jouer ma musique ». Nous aussi Lana, nous aussi.
C'est vrai, très bonne acoustique en effet, ça devait dépoter pour Motorhead! On n'a pas vu pour la bière par contre, dommage... Mais bon, la prochaine fois on ira à un concert de métal, histoire de vérifier :)
C'est vrai, très bonne acoustique en effet, ça devait dépoter pour Motorhead! On n'a pas vu pour la bière par contre, dommage... Mais bon, la prochaine fois on ira à un concert de métal, histoire de vérifier :)
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