dimanche 17 mars 2013

L'Homme Berlinois.

Il y a au moins un avantage (à première vue) indéniable à déménager à Berlin. Enfin bon, après la currywurst, un coût de la vie frisant le dérisoire, ou la MD noire. Bon bref, après tout ça. Et c’est un avantage de poids. Il ne vous aura fallu en effet que très peu de ballades, folles virées en boîte, restos et chai thés pour avoir à vous incliner devant une agréable réalité : l’homme berlinois est beau. 
Mais pas genre il est pas-mal-vite-fait-t’as-vu. Et pas genre en trois mois vous n’en avez vu qu’un seul de potable, mais comme pour vous en ce moment c’est le Sahara sexuel, vous en avez fait une vérité générale. Et pas genre vous étiez trop bourrée et en conséquence tout le monde ressemblait très fortement à Michael Fassbender. Non non, l’homme berlinois est rationnellement, impartialement et décemment-sobre beau. 
Il en devient une valeur sure : nous sommes fin mars et il neige comme en Sibérie période Noël ? Ce n’est pas grave, vous avez au moins la certitude que quelques jolies figures viendront réchauffer  votre culotte journée. Vous vous êtes perdue dans un endroit encore plus glauque qu’une banlieue lilloise (et pourtant, vous étiez sûre que 5 minutes plus tôt vous déambuliez encore  sur la chic Friedrichstrasse) ? Il y aura toujours quelques attrayantes silhouettes pour enjoliver le paysage. Certains jours placés sous le signe d’une ode à la beauté masculine, vous en arrivez même à mentalement envisager le délire de l’homme Shleu supérieur. Il est grand, il est bien bâti, il a des traits harmonieux, il allie nonchalance berlinoise et rigueur allemande avec une aisance surprenante. Bref, il vous a fait croire qu’à Berlin, ça allait être la fête du string.

Nb : cet article n’a aucune valeur contractuelle. Si vous avez donc la malchance de vous rendre à Berlin à un moment où notre propos se voit infirmé, aucune compensation de quelque sorte ne peut être exigée.

Mais voilà. Oui, parce qu’il y a forcément un « mais voilà ». Rien ne vient gratuitement en ce bas monde, surtout pas avec la gente masculine. Et donc, pour nous faire payer l’immanente vision de la beauté berlinoise, Dame Nature s’est vengée en dotant l’homme allemand de différents attributs plus ou moins sympathiques. Par exemple, un énorme balai dans le cul. Pour convenir au souci d’équilibre universel, le balai se trouve proportionnel à l’apparence physique : quand nous disons énorme, nous pesons donc nos mots. Bon, admettons que le contexte relationnel homme/femme actuel ne joue pas exactement en votre faveur. Vous ne le savez déjà que trop bien (et si votre jeune âge vous préserve face à cette réalité, vous le découvrirez amèrement bien assez tôt), toutes les séries américaines et autres contes sortis du cerveau malade de Monsieur Disney  vous ont menti : le beau gosse sûr de lui qui vous plaquera contre un mur et vous embrassera passionnément, « Let’s spend the night together » du thin white duke en fond sonore, est une énorme mascarade. Cette petite tartuferie n’a l’air de rien, mais elle a pu avoir des conséquences désastreuses sur votre construction psychique : personne ne vous a préparé à devoir faire le premier pas, puis le 2ème, puis le 407ème, personne ! 


Cette prise de responsabilité relationnelle est en plus assez injuste, car si l’homme a une capacité d’oubli lui permettant d’aisément se remettre d’un râteau pour mieux sauter sur la prochaine paire de fesses, vous vivez un rejet comme une remise en question complète de votre féminité. Puisque rien de vous avait préparé à devoir complètement mener la danse, vous êtes pataude, vous ne savez pas comment vous y prendre ; résultat, vous êtes devenue alcoolique par nécessité impérieuse  (c’est fou comme l’appréhension de la réalité diffère en fonction de l’alcool. Démonstration : un homme vous regarde, vous êtes à jeun : vous vous retournez pour vérifier qu’il n’y a personne derrière vous, puis vous vous demandez si vous n’avez pas un truc chelou sur la figure. Même situation, 7 shots plus tard : le mec ne fait que vous regarder mais vous entendez : « je veux ton corps bébé »). Et bien dites-vous qu’à Berlin, ça sera la même chose, puissance 48. Ce n’est pas qu’il vous faudra vous montrer entreprenante, mais qu’éventuellement le mec finira par comprendre le message beuglé avec un insistance constante depuis une bonne heure et foncer, non. Si vous attendez ce moment de lucidité masculine, préparez-vous à accueillir une seconde virginité. Vous pensiez être passée maîtresse dans cette science plus ou moins subtile qu’est « l’interprétation des signes » ? Oubliez tout ce que vous croyiez connaître. Nous serions tentées d’expliquer ce fait par l’inexistence de body language chez la gente masculine allemande, mais pour ne pas être trop partiales, nous supputerons que les différences culturelles font que les signes ne sont pas les mêmes. Concrètement, même après avoir papoté pendant trois heures, essuyé plusieurs « ha ha ha et vas-y que je m’affale à moitié sur toi », dansé (plus ou moins) collé serré, bref, là où même un aveugle lirait dans vos yeux « toi-moi-n’importe-où-n’importe-quand-n’importe-comment », l’allemand ne fera rien. Niet, nada, que dalle. C’est vous qui dans un moment d’exaspération totale allez finir par lui sauter dessus. Il va donc vous falloir abandonner toute subtilité quel qu’elle soit (souvent, la dignité se casse avec).

Second vice de fabrication, allant de pair avec le premier : la psycho rigidité allemande, extrêmement sournoise chez l’homme berlinois. Pourquoi ? Parce qu’à première vue, cet Übermensh est un mec über cooooool. Il a fait le tour du monde, dix-huit fois même ; il est trop cooooool. Il parle d’économies d’énergies, de faire un self made garden sur les fenêtres de son appartement, vous casse pernicieusement les couilles quand vous vous plantez entre les 16 poubelles ; trop cooooooool. Il vous balance des coups d’œil assassins quand vous baillez à vous en décocher la mâchoire devant une émission traitant de permaculture (si vous ne connaissez ce terme, c’est que vous n’êtes pas cooooool), il skype avec d’autres mecs trop cooooool qui ont tout plaqué pour monter un orphelinat en Inde (financé par papa/maman), il va a des workshops de méditation transcendantale ; trop cooooool. Il s’habille comme dans Hair et pense que les hippies sont les nouveaux philosophes révolutionnaires (« nan mais eux tu vois, ils ont tout compris à la vie. Rousseau, Voltaire et toutes les baltringues de ton pays, ils peuvent aller se rhabiller»). Et puis il club. D’ailleurs, il vous fait bien comprendre que si vous n’avez jamais clubbé à Berlin, vous n’avez jamais vraiment clubbé de votre morne et pathétique existence. « Quoi, tu ne veux pas rester plus de 5 heures en boite ? Mais t’es une putain de tarlouze quand même ! ». Ah non pardon, le berlinois ne dit pas « tarlouze », c’est mal. Oui, parce que le berlinois ne gossipe pas, il laisse ça à cette espèce vulgaire et triviale qu'est la française. Donc vous forcément, vous vous sentez un peu submergée par tant d’ouverture d’esprit, de conscience universelle et d’expériences exceptionnelles (« nan mais tu vois, quand au Kérala j’étais en train de mourir de la fièvre bubonique et qu’en plus j’étais poursuivi par un tigre, bah les habitants de ce petit village m’ont accueilli, nan mais c’est dingue toute la gentillesse de ces gens-là, c’est une leçon de vie, nan mais carrément »). Ne vous inquiétez pas, encore une fois, le vice de confection arrive. Tout ouvert et trop coooool qu’il est, le berlinois a un fond résolument psychorigide, et disons-le, hyper square. Exemple : vous prenez le métro, et bien entendu (vous êtes française), vous êtes en retard. Bon bein voilà, vous n’allez pas pousser le train. Et puis dommage, vous avez oublié votre pied de biche : vous ne pouvez donc pas obliger le conducteur à lancer son machin à 300 km/h… Bref, vous acceptez l’évidence, vous envoyez un texto et vous passez à autre chose. Le berlinois, lui, (et sûrement l’allemand en général) est capable de pester comme un autiste en crise tout le long d’un trajet de métro parce qu’il va être en retard de 2 minutes. Il est aussi parfaitement à même de vous appeler trois fois en l’espace de 20 minutes pour savoir « où vous en êtes » (on ne sait jamais, les disparitions inexpliquées d’immigrés, un mal qui se répète à travers l’histoire allemande). Mais paradoxalement, le berlinois ne s’énerve pas. Ce n’est pas qu’il n’éprouve pas le sentiment de colère ; vous imaginez bien que quelqu’un capable de s’exciter comme un drogué en manque pour un retard de 2 minutes est facilement irascible. Un truc qui ne colle pas avec son joli plan de ménage, une casserole laissée dans l’évier depuis, oh, au moins 14 minutes, vous qui raillez gentiment son délire hippie post soviétique (« et tu ne veux pas mettre une pancarte « la kholkoze berlinoise » sur la porte d’entrée, non ? »)… The beauty of it ?  Il restera de marbre, tout en fulminant intérieurement comme un Vésuve sur le réveil. Bon, la gente masculine n’est déjà pas connue pour ses extrêmes capacités de communication ; mais plus que tout autre (oui parce que chez Die Frenchies, on a testé tous les mecs de la terre, on peut se permettre de brosser large à coup de vérités générales foireuses), le berlinois fuit toute situation passablement conflictuelle  (vous voyez le tableau einh, ça s’accumule, ça s’accumule et puis quand ça pète, bah ça bute 50 millions de personnes). Ce qui aboutira inéluctablement à cette sacro-sainte situation: un beau matin il se réveillera, s'extraira du lit commun, et vous balancera un "nan mais je crois que ça ne va pas le faire entre nous" argumenté en trois parties, sorti d'absolument nulle part. 



Ne vous plaignez pas trop néanmoins, et voyez votre déménagement à Berlin comme l’occasion de vous mesurer à des challenges nouveaux ; le jeu en vaut la chandelle (???). Après tout, une fois qu’il a compris que vos multiples pétages de plomb ne menace généralement pas son intégrité physique, le berlinois vous considérera également comme une jolie bête curieuse tout à fait digne d’affection. Et entre jolies bêtes curieuses, on est fait pour s’entendre. Ou pas.
by Juju.

Nb : par contre, ne vous moquez jamais des vegans; ça, c’est un vrai motif de rupture.

crédit photo: Madmen, Abercrombie, mostphotos.com, Lars and the real girl

5 commentaires:

  1. Et le pire reste le Francais qui après bien des années passées ici bas combine les attributs communs aux deux spécimens. Et la plupart du temps il est marié.
    Et ca c'est pénible pour la gent féminine, mais si la vie était juste, le malheur des autres ne pourrait égayer les longues soirées d'hiver.

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  2. J'ai vu l'avertissement "plein de vilains clichés" avec le lien de l'article sur Facebook, alors je suis allée voir, curieuse de savoir ce qu'on pourrait encore déballer de vacheries sur nos pauvres hommes allemands ^^ En fait je m'attendais à une énième complainte des Françaises en Allemagne. C'en est une, si l'on veut, mais elle est drôlement bien écrite, enfin, je veux dire, je ne suis personne pour juger, mais là, j'ai bien rigolé. Mais j'avoue que j'aime le comportement des hommes Allemands. Je les trouve plus respectueux que les Français, et ils ne sont pas inaccessibles pour autant.
    Je pense qu'ils sont habitués à avoir des Allemandes qui entreprennent tout de A à Z dans le chemin de la séduction (et qui à nos yeux en font VRAIMENT trop) (de mon point de vue hein), pour ça quand ils tombent sur une Française comme elle en fait moins ils croient qu'elle est moins intéressée.
    Il faudrait étudier le comportement de l' "Allemande" un de ces quatre. Pas pour prendre exemple dessus, hein, mais ça expliquerait bien des choses sur le comportement de l'homme Berlinois :-)

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  3. je me suis fait pipi dessus

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  4. "Bon, la gente masculine n’est déjà pas connue pour ses extrêmes capacités de communication ; mais plus que tout autre (oui parce que chez Die Frenchies, on a testé tous les mecs de la terre, on peut se permettre de brosser large à coup de vérités générales foireuses), le berlinois fuit toute situation passablement conflictuelle (vous voyez le tableau einh, ça s’accumule, ça s’accumule et puis quand ça pète, bah ça bute 50 millions de personnes). Ce qui aboutira inéluctablement à cette sacro-sainte situation: un beau matin il se réveillera, s'extraira du lit commun, et vous balancera un "nan mais je crois que ça ne va pas le faire entre nous" argumenté en trois parties, sorti d'absolument nulle part. "

    C'est EXACTEMENT ce que j'ai vécu!! ton article est bourré de clichés, et pourtant, qu'est-ce que c'est vrai... ;) Et puis j'ai beaucoup, beaucoup ri. Continue!!

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