mercredi 12 juin 2013

La drogue à Berlin

Inglorius-basterds.tumblr
Vous avez beau adorer votre vie berlinoise, il vous arrivera inévitablement de devoir revenir vers la mère patrie. Et donc, lors de la réunion debriefing que vos amis auront organisée en votre honneur, il y a trois questions auxquelles vous ne pourrez échapper : « 1) bon alors, ça y’est tu parles schleuh ? Dis un truc pour voir ? Ah ouais… Putain, qu’est-ce que c’est moche !  2) T’as pas eu trop de problèmes là-bas, vu que Dieu ne t’a pas conçue sur le modèle Aryen ? Ils n’ont pas essayé de te la jouer remake de « Frontières » ? 3) Nan mais tais-toi, on s’en fout nous de tes trucs culturels et de leur mur qu’ils n’arrivent même pas à protéger, on veut du concret : bons coups ? Et surtout… quid de la drogue ? »
La drogue donc (ne soyez pas déçu, la question du « bon coup » n’est que partie remise). Ne faîtes pas les innocents : vous êtes à Berlin, ne nous dîtes pas que cela ne vous a pas traversé l'esprit, surtout si vous êtes dans votre vingtaine (et nous ne ferons qu'évoquer le cas "Erasmus", catégorie à part. D’ailleurs, ami venu d'ailleurs pour 6 mois berlinois, si tu n’as pas à atteint le niveau « expert » dans ce domaine et expérimenté toutes les joies qui en résultent, tu es en train de passer à côté ce qui pourrait s’avérer les plus beaux mois de ton existence). La sulfureuse réputation de Berlin ne s’est pas amoindrie à ce sujet, en atteste les récriminations de vos parents à l’annonce de votre départ pour (sic): « cette ville de camés. Non mais tu te rappelles à quoi ressemblait Bowie quand il vivait là-bas (les addictions de David, encore un coup des boches) ?? ». Loin de nous l’idée de faire ici l’apologie d’une pratique illégale. Mais bon, dans un souci de pragmatisme et au cas où vous vous retrouviez contraint et forcé de vous y mettre, autant être préparé. Et puis, qui sommes-nous pour verser dans la diabolisation ? Comme l’a professé ce génie moderne répondant au doux patronyme de Blake Lively : « drug is bad. But in a bad bad world, it just gets good » (Platon, Kant et toute la compagnie de mous du ciboulot, agenouillez-vous devant votre maître).

Où.
Fear & Loathing in Las Vegas
Pour être tout à fait honnête, nous désirions rédiger un truc bien glauque à la Vice (oui, la terrible frustration de ne pouvoir balancer des titres mirobolants du style « comment bien s’habiller pour aller aux putes »…). Quelque chose de pratico-pratique, un beau « comment se saper pour choper de la drogue à Berlin » se déclinant en tenues plus improbables et vulgaires les unes que les autres. Première limite : après trois secondes de réflexion, une évidence nous est revenue à l’esprit : comme l’a parfaitement résumé M. Lagarfeld qui sait doublement de quoi il parle, Berlin et la mode, c’est 0, nul, rien-du-tout. Mais puisqu’il en faut plus pour nous décourager, nous avons interrogé un expert, un vrai berlinois, le fameux hôte/boyfriend/whatever. Qui nous a littéralement ri à la gueule (« alors ça c’est bien une idée de française de penser à la manière de s’habiller pour choper de la drogue… Nan mais allô quoi !! »). Alors nous lui avons demandé si, à part en boîte (mention spéciale au Berghain et ses cocktails à la MD, au Katerholzig et ses « toilettes spéciales » ou à la VollShön et sa pièce réservée) il existait des endroits particuliers pour se fournir, un équivalent berlinois du kébab du coin dans notre 9-3, qui à partir de 22h30 se transforme en laboratoire de meth’ et t’offre en prime, pour toute commande, le salade-tomate-oignons si gentiment demandé. Ou alors un truc de gangster westocast avec des sneakers accrochées à un fil électrique comme dans The Wire. Il a été infoutu de nous répondre. Non pas parce que ça ne se trouve pas, mais parce qu’en bon berlinois qui se respecte, trouver de la drogue, ça fait 20 ans que ce n’est plus un problème (« bah je ne sais pas moi, va demander à ton voisin de palier, pourquoi tu te prends la tête comme ça ?? »). En somme, si vous n’avez pas trop envie de passer par la case « recherche de dealer », sociabilisez avec les autochtones. Encore mieux, tapez-vous – et restez avec – un berlinois : ça sera buffet à volonté.

Comment.
The Simpson
Car à part présenter une belle gueule (et éventuellement faire dans le jeu de rôle sexuel chelou. Man kann nicht immer Glück haben), le berlinois est, dirons-nous dans un euphémisme poli, un consommateur assidu. Attention, pas un camé glauque ; il ne touche par exemple pas régulièrement à l’héro, crack et compagnie: faudrait pas non plus abîmer sa jolie petite frimousse. C’est un camé sexy. D’ailleurs, le berlinois parvient à des stratagèmes extrêmement élaborés pour rester good-looking tout en étant parti très loin au pays d’où on ne revient que très difficilement (« alors tu vois, la kétamine, faut pas la prendre que d’une narine, parce que sinon t’as l’air complètement paralysé que d’un côté, et le look « je viens d’avoir un AVC » c’est bon pour les touristes américains. Alors que si tu répartis bien, bah en soi t’auras toujours l’air hyper con, mais au moins, ça sera équilibré »). Subsistent toujours les exceptions, le pote relou trop aware qui jauge ses petits camarades d’un œil réprobateur et radote que la « drogue c’est mal » en achevant sa 1582ème cigarette de la journée. Le berlinois est un drogué hardcore sans le paraître, il vous rétorquera que cela tient presque de l'exception culturelle (se prendre des rails de speed un dimanche matin avant d’aller au Berghain ? C’est normal, ça relève le goût du petit-déjeuner). De fait, à Berlin, vous pourriez embrasser la force sociabilisante que la drogue peut présenter dans son sens le plus puissant, et ce comme nulle part ailleurs. Par exemple, vous venez de rencontrer ces mecs avec qui vous passez une bien belle soirée ; il ne faudra généralement pas longtemps avant que l’un d’eux vous propose gratuitement du speed en pâte (à défaut de vous payer un verre), qu’il coupera en l’étalant comme du ciment sur le marbre sale du mur des toilettes. Et puis de l’extasy, il y’en a toujours qui traîne dans le fond du portefeuille. Bref, de bien belles soirées passées à refaire le monde (et le marbre des chiottes) en perspective.
Dans le contexte d’une fête bien entamée, le berlinois a néanmoins une façon de taper bien différente de son alter égo maléfique, l’anglais. Les deux consomment autant, le berlinois même beaucoup plus, les clubs étant ouverts bien plus longtemps (imaginez l’état de l’Angleterre si les boîtes ouvraient tout le week-end… l’Apocalypse. Au cube). Mais là où l’anglais consomme de la drogue pour cramer la mèche par les deux bouts encore plus rapidement, le berlinois préfère rester allemand et conserver tout son sens de la retenue coincée. Personne entrain de nager la brasse sur le dancefloor à Berlin ; ah bah non, ici, on est défoncé mais digne (et finalement assez boring, admettons-le). Au plus fort de la fête, le berlinois a tendance à se terrer dans son petit univers hermétique à toute présence étrangère, quitte à faire complète abstraction du monde alentour. Ce qui peut donner lieu à des scènes quelque peu flippantes, où clairement le mec par terre en face de vous ne respire plus, mais tout le monde s’en branle parce que percer sa petite bulle pour venir en aide apparaît comme un effort bien trop conséquent. Pour faire dans l’anthropologie de café du commerce, ce n’est pas pour rien que la kétamine, drogue ayant pour effet l'autisme complet et la perte de tout contrôle de son propre corps, est tellement en vogue ici. Ce n’est pas non plus pour rien qu’à Berlin, est préférée la musique qui ne se dance pas: pas besoin de shacker son bouty quand on est seul dans son petit monde interne.

Infinity
Quoi.
Comme partout, l’aire yuppie de la cocaïne touche à son terme, remplacée progressivement par le speed, son double prolo et sale. Berlin ne déroge pas à la règle. Quelques spécialités à noter, avec une mention spéciale et félicitations du jury à la MD noire (à lire avec la voix de Jean-Pierre Pernault en tête :« aaah les spécialités de nos campagnes… »), sorte de version maléfique de la MD normale, tellement forte qu’elle se sent à l’haleine, et qui vous fera grimper aux rideaux avant même que vous n'ayez pu finir votre sempiternelle : « nan, mais moi je ne… sens… ri….iiiiiieeeeennnn !!!». De plus, l’effet dure très longtemps. Sinon, à Berlin, méfiez-vous des pilules ; à coté, ce qu’on vous sert en France c’est de l’ibuprofène. Surestimez vos capacités pourrait vous amener à passer trois jours en mode Raoul Duke dans ses pires moments et une semaine entière à ne rien pouvoir ingurgiter parce que vous vous serez littéralement rongé les lèvres (« dis donc tu vas bien ? – Moi ? Nikel. J’ai bien essayé de fusionner avec le mur, mais ça va. Et puis un moment j’ai eu une petite dissociation de personnalités en 48 individus dans ma tête. Mais c’est bon là. On va beaucoup mieux »). Vous pourriez aussi finir à moitié à poil à chasser le pigeon. Pour citer ce cher Mr Duke: Why not ?
by Juju.

9 commentaires:

  1. Alors : je vis à Berlin et mon mec est..hmm. BERLINOIS.
    Alors comment dire..je me suis bien reconnue XD
    (pas dans TOUT nan plus hein :-)).
    Un grand merci pour cet article très bien rédigé (tout comme les autres d'ailleurs) j'me suis bien marrée

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  2. Haha quel bon résumé, c'est exactement ça. À noter qu'il reste facile de reconnaitre les jeunes Français en Open air car se sont les seuls à se planquer dans un buisson pour fumer un joint. Alors que tout le monde sait que c'est sur le dancefloor après un "passage" aux toilettes qu'il apprécie le mieux.

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  3. Vécu 3 mois là-haut, bien que je n'aie pas touché à la Keta, le reste c'est exactement ça ! Vous pouvez rajouter les chiottes du Tresor, avec son petit tablard prévu juste bien à la bonne hauteur pour faire ses traces tranquillement :-) !

    Ahhhh Berlin, ich liebe dich

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  4. Aller a Rotterdam et Amsterdam, c'est de la que tout vient en Europe vous serais pas déçue c'est vraiment hardcore.

    Vous prenez réguilérement de la M et du speed en soirée ou vous tenez sans? juste pour savoir si c'est possible

    Merci d'avence

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    1. Héhé merci pour les tuyaux. Pour la régularité de la consommation, ca dépend des gens... Mais on ne connait pas grand monde qui tiend 30h au Kater en buvant de l'eau ;-)

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  5. Mon dieu l'article de ouf jai kiffer vive la drogue bordel take MDMA et fuckindanceeeee

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  6. Bonjour un conseil pour trouver quelque chose facilement sans prise de tete ? Genre au berghain ou autres

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    1. En général vers les toilettes - ou les darkrooms - (ou juste attends au milieu de la salle, les mecs passent pour "héler le chaland" comme on dit). Ou Görlitzer Park. Good luck ;)

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