samedi 17 janvier 2015

Le Noël chez les allemands part 2

Suite et fin de notre récit "Weihnachten à Berlin". Le pire meilleur reste à venir.


Le sapin de Noël
Aaaaaaaah le sapin de Noël. Avec la nourriture, c'est la deuxième grande tradition familiale obligatoire. Surtout qu'à présent que vous êtes un peu plus vieille, vous avez acquis un certain sens du bon goût (votre sœur ne vous appelle pas « fashion nazi » pour rien) et surtout, un compte Instagram. Du coup, on ne déconne pas du tout avec la déco du sapin, et "vire moi cette guirlande rouge ça va pas du tout avec le filtre X pro 2". Vous vous étiez sûrement faite une grande idée du Weihnachten Baum, un espèce de truc massif rivalisant largement avec l'arbuste des galeries Lafayette. Le jour où Mutti vous a déclaré que nous allions enfin le chercher, vous étiez venu parée : ensemble mi Décathlon/mi treillis de guerre, des bottes signées Doc Martins, et une hache (avec une tronçonneuse en back up, mais la hache avait quand même beaucoup plus de gueule). Bref, vous étiez prête à en découdre avec une bête digne de Fangorn, direction la Forêt Noire. A la vue de votre accoutrement, vos hôtes vous ont observé avec des mines à la fois interrogatives t limite paniquées ("si elle croit qu'elle va nous rejouer un remake de "Délivrance" la frenchie, einh..."). Votre grand voyage vers les contrées du Mordor ne dépassera finalement pas le grenier de la demeure, duquel votre hôte/boyfriend/whatever ressortira avec – enfer et damnation - un arbre en plastoque et fausse neige (« mais tu te rends pas compte, le blanc passe super mal sur insta, merde ! »). Et oui, nature, tradition & gamme-verte-DM obligent, pas de massacre de sapin pour le plaisir de quelques gueux, nous on aime les arbres, à bats les génocidaires forestiers (vous étiez à deux doigts de répliquer que nous n’étions plus à un génocide prêt, mais bon). En conséquences, les cartons de guirlandes à déballer se sont mutés en deux boîtes filiformes et la bonne odeur de sapin a laissé place à un vieux fumet de plastique brûlé (vous avez eu du mal avec la frise électrique, rien de bien méchant). Mais comme n’aura de cesse de vous le rappeler Belle-Mutti : « c’est pas toi qui te serais tapé le ramassage des épines, alors sois contente ! ».

Le réveillon / le coup de file de votre mère
Et enfin, après moule marches frigorifiques pour promener Médor, soirées au coin du feu à ne rien piner des conversations, expositions d'artistes contemporains chiantes à mourir et autres joyeusetés des vacances dans la belle-famille teutonne, le sacrosaint soir du réveillon arriva. Vous aviez fait un effort vestimentaire (oui la tradition veut que, pour vous faire quitter votre sempiternel pyjama, votre maman vous achète une robe Zara à chaque Noël. C'est un levier de motivation comme un autre, et on fait marcher le PIB national comme on peut), même sortie les talons pour l'occasion (ceux qui nous suivent savent qu'à Berlin la pompe à talon survit sous Lexomil). Vous descendez donc les marches qui vous mènent au salon avec emphase, « nah nah nah diva is the female version of a hustler » en bande sonore. Si votre entrée fait son impression, le reste de l'assemblée n'a malheureusement pas daigné abandonner ses habituels Scholl; vous n'avez pas du tout l'impression de dépareiller. On prend un verre de simulacre de Champagne à côté du simulacre de sapin, Mutti veut absolument des photos (à part les selfies bourrées aux chiottes du Berghain hashtag I was there vous n'aimez pas les photos. Vous avez donc l'air constipé, mais c'est peut-être à cause de vos pieds qui crient à l'assassinat, vos escarpins se vengeant de l'abandon dont ils ont été victimes. Ou peut-être le Sekt est il à blâmer), on ouvre les cadeaux (« ooooh un Bescherelle d'allemand ! Comme c'est attentionné! »), on se met à table, on mange les petits substituts vegan que Mutti entourée de ses deux fifils chéris a passé, oh, au moins 30 minutes à préparer, on joue à un jeu de société dont vous n'êtes pas fan parce que compter des dés après un certain nombre de verres - même de Sekt - devient un exercice d'équilibrisme mental, et... Voilà. Fin. Rideau.

Votre portable vibre. C'est votre mère:
« (brouhaha de couverts, conversations bruyantes) Allo ma chérie ??!
- Allo maman ? Ça va ?
- Oh bah oui très bien oui, tonton Dominique vient d'entamer une démonstration de danse orientale sur "tourner les serviettes".
- Kim a déjà récité tous les squetchs des inconnus ?
- Oui, elle embraye sur "la fine équipe du 11". Et toi ça va ?
- Bof, j'ai été privée de foie gras.
- Oh le sacrilège ! Qu'est-ce que t'as fait pour mériter ça ? Je t'ai déjà dit qu'il fallait que tu te calmes avec tes blagues sur Mengele et que...
- Nan nan, belle maman est vegan.
- *silence consterné* Aouch, dur. Pas de viande, pas de foie gras...
- Bah ouais, pas d'palais pas d'palais, pas de bras pas d'chocolat.
- Héhéhé. Et sinon, vous en êtes où de votre réveillon pour lapin anorexique ?
- Bah nous on a fini.
- Comment ? Je t'entends mal ma chérie, j'ai cru comprendre « on a fini ».
- Ouais, t'as bien entendu.
- *explosion de rire complètement incontrôlée* Euh pardon ma chérie *tentative - ratée - de maîtrise* je ne devrais pas rire einh... Bon... Mais vous avez mangé ? Ou vous avez juste fini les cadeaux ?
- Non non, on a FINI.
- Ah bon... bah c'était un peu expéditif quand même.
- C'est un euphémisme. Et vous vous en êtes où ?
- *ton gêné/tentative de minimisation* Oh rien de fou, on a fini le foie gras, là je viens d'amener la dinde...
- *Pathétique tentative de réprimer une crise de sanglots*                            
- Euh...Ça va ?
- Oh bah oui, très bien. On est le soir du réveillon, il est 22h00, il ne me reste plus qu'à aller me pieuter et vous en êtes à la dinde. TOUT VA BIEN. Bon, je pourrais aussi vivre en RDC, je ne vais donc pas trop pousser la ritournelle de la petite occidentale frustrée.
- Ouais. Vivre en RDC ET avoir fini Noël à 22h. 
- Putain tu imagines ?? L'angoisse. 
- Mais tu as reçu les Ferrero que je t'ai envoyés ?
- Oui merci beaucoup. Je vais aller étouffer mon désespoir dans les chocolats et le reste de Sekt.
- Ah non respecte toi un peu quand même.
- Bon je te laisse. La prochaine fois, envoie moi du foie gras en scred. Et des Mon Chéri à la place des Ferrero, la liqueur m'aidera sûrement...
- Noté. *au loin: « Dis donc, elle est massive la dinde ! - Comme ma bite ! »* Ta sœur est en forme. Je ne suis néanmoins pas certaine de complètement avoir réussi votre éducation... Bon je t'embrasse fort. Bon courage pour demain héhé ».


Vous raccrochez, un peu dépitée. Comme le reste de la Team Schleuh s’est lancée dans une grande conversation sur les bienfaits de la permaculture, vous vous éclipsez sans trouver mieux à faire que vous poser devant la télévision (combinez la loose à la beaufitude et vous saurez que votre Weihnachten se termine en beauté). Vous tombez sur le Roi Lion en allemand, promesse inattendue d'éclats de rire à la chaîne ; après tout, vous n'avez pas complètement perdu votre soirée. C'est au moment d'un de vos joyeux "Keiner nimmt uns diiiiiiiiiie Philosophiiiiiiiie.... HAKUNA MATATAAAAA !!!!!" qu'une masse vient s'écraser à coté de vous (pendant qu'une main s'écrase sur votre bouche). La chère petite tête blonde de votre hôte/boyfriend/whatever apparaît au sommet de vos genoux : « Alors, t'as kiffé Noël chez les "Schleuuh" comme tu dis ?
- Je dois vraiment répondre maintenant? Laisse-moi m'égosiller sur "kannst du heute Nacht die Liebe fühlen" et on en reparle.
- Tu sais, nous ce n'est pas du tout dans notre culture de faire des repas des plus d’une heure. D'ailleurs la dernière fois que j'ai dépassé cette limite j'ai failli crever. C'était quand ça... Ah bah oui, c'était chez toi !!
- *grande inspiration et tentative d'ignorer la goujaterie de la remarque* Bah c'est quoi la tradition alors ?
- La tradition, c'est de finir le repas le plus vite possible, de se retrouver entre potes et de faire un Noël blanc.
- *regard de suspicion appuyé* C'est quoi ça? *regret immédiat de la question*
- C'est Cocaïne et jeu de société.
- *regard scandalisé* Ça t'amuse de piétiner mes rêves d'enfants ??! Mais mais mais, l'esprit de Noël, merde !!
- Allez Schatzi c'est bon, c'est une fête commerciale, blablabla... *Il y a bien longtemps que lorsqu'il se lance dans ses litanies altermondialistes, votre oreille interne se met en mode sourdine*. Le but c'est d'être ensemble nan ?
- Alors quoi, on va aller se biturer la gueule au rade du coin de la rue, c'est ça le deutsche Noël ?
- Nan, mais vu que je ne voyage jamais sans des spécialités berlinoises, on peut mettre une autre tradition en place. Je suis sûre que mon frangin sera d’accord (il a beau présentement vivre dans un village hippie du Portugal, Berlin un jour Berlin toujours).
- Ah ouais ? Laquelle ?
- Ouais : Roi Lion et speed !!
- Nan mais sérieusement... *et puis vous dévisager cette adorable petite tête aryenne et son sourire de camé d'angelot* Oh well... »
Orientation sexuelle du moment: Idris Elba qui décore un sapin en fumant un blunt dans l'espace. Joyeux Noël les Franchies
La partie 1 est à (re)lire ICI

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