vendredi 26 avril 2013

#Review Musique - Ode à Lana Del Rey (15/04/2013, concert à Tempodrum, Berlin)

La nouvelle est tombée quelque part au mois de janvier, au détour d’un chai thé emmitouflé vers Bergmastrasse : « et tu savais que Lana Del Rey passait en concert à Berlin ? Einh, tu savais pas ? Non mais allô quoi ??! » ; la belle devait effectivement se produire le 15 avril à Tempodrum. La décision d’aller apprécier la « Gangsta Nancy Sinatra »  live fut en soit une mini bataille interne. Pour ceux qui auraient vécu sur Mars la dernière année, petit récapitulatif. 


C’est en juin 2011 qu'une langoureuse balade répondant au nom de Video Games débarque sur la toile : au milieu d’images vintages apparaît une rousse au visage irréel et à la voix sans âge, miaulant une chanson d’amour. Apparition, c’est le mot. Le clip devient viral, et il aura suffit d’une vidéo pour que l’establishment musical, toujours en manque de nouvelles idoles, porte la dénommée Lana De Rey aux nues. Très vite adulée donc, très vite décriée également. Tout d’abord, l’américaine se révéla être une expérience visuelle au point de décevoir les attentes portées par son premier album : sans l’image, Born To Die laissait une étrange impression de déception. Ensuite, plus la star devint incontournable et plus la posture d’artiste vaporeuse flottant dans le monde des idées se craquela ; ses premières apparitions live ratées ne firent que renforcer l’arrière-goût rance d’une pilule toujours plus difficile à avaler. Les critiques ont peut-être été aussi féroces car proportionnelles à la déception engendrée par la destruction du mythe : avec elle, on nous avait promis de l’authenticité artistique, et beaucoup ont fini par n’y voir qu’un autre produit un peu mieux ficelé que les autres, assez pour nous avoir bernés plus longtemps. Le décalage existant entre le discours de la demoiselle, mi intellectuelle mi porte-parole d’une Amérique white-trash fantasmatique/fantasmée, et la réalité révélant une autre gamine propulsée par une armée de producteurs/marketeurs ayant flairé le coup très juteux (citons ses changements physiques, ou encore la bataille juridique qu’à été son nom même pour en témoigner) devint problématique. On ne peut pas se réclamer de Jim Morisson et chanter pour une marque de voiture. Une artiste intègre cultiverait le secret, non pas le chiffre d’affaire d’H&M. Un peu d’honnêteté intellectuelle ne fait de mal à personne... En somme, beaucoup de contradictions nous empêchant d'apprécier la belle à sa juste valeur : une chanteuse et une songwriter d’exception.


GQ
Ces contradictions, elles nous avaient énervées, déçues, nous qui avons été musicalement éduquées par des artistes crachant rageusement sur le star system, middle finger in the air. Artistes qui finalement en faisaient également partie. Contradiction donc, un truc très humain... Et puis il y a eu l’hiver à Berlin. Il y a eu sa froideur, il y a eu le gris des murs, la lumière blafarde des rues mal éclairées. Il y a eu ce rejet de la musique berlinoise, cette répétition permanente, cette absence de mélodies, ce vide émotionnel. Il y a eu les déceptions, la solitude, l’amour qui se perd. Il y a eu l’obligation de grandir. Et Lana Del Rey a alors pris une toute autre dimension. La chaleur de sa voix, la perfection de ses mélodies, des paroles qui ont presque violemment pris sens (I got a war in my mind…). Sa beauté aussi, sa moue boudeuse, son immense bouche soulignée de rouge, aux antipodes de la femme berlinoise moyenne qui a priori pense que féminité et féminisme sont ontologiquement ennemies. Et puis il y a eu son EP Paradise. L’objet sentait l’embuscade marketing à plein nez (et peut être l’était-il, mais franchement, who cares), il se révéla être une claque dans un gant de velours. Les ingrédients restent les mêmes, mais magnifiés : des paroles plus percutantes, des mélodies enchanteresses, et cette voix, cette voix qui gronde, feint de se briser pour mieux repartir, se perd dans des trémolos langoureux (Yayo, un bijou). Enfin il n’est plus besoin d’image, la musique se suffit à elle-même. Après cet album, comme entendu au détour d’une conversation de frenchies : « elle peut faire de la pub pour Ricard ou McDo, rien à foutre, elle a toutes mes faveurs. Et puis merde, t’as 25 ans, un mec de Sony vient te voir et te propose de produire ta musique, de la jouer devant le monde entier et de poser pour L’Officiel… Et en plus les Inrocks pensent que tu es un génie… Moi je me rase la tête et je me fais quintupler le volume des lèvres direct s’il le faut ! ». Conclusion: c’est bon Lana, t’as gagné – et ce n’est pas faute de t’avoir résisté. Tu as gagné.

by Denise Haas
Et donc, Lana del Rey vint à Berlin : comme mentionné précédemment, nous avons expérimenté une petite bataille interne,  les places n'étant pas données. Et puis nous nous sommes dit que s’extirper de l’hibernation musicale ne nous ferait pas de mal. Et puis nous voulions voir ce qu’elle avait dans le ventre, car près tout, on ment difficilement en live. Et puis 1er vrai concert à Berlin. Petites remarques sur le public allemand. Tout d’abord, ne vous attendez pas à voir des copycats de la jolie rousse, il y a de tout, pas de type définit – en même temps, vous vous rappelez très bien du regard dédaigneux que votre hôte/boyfriend/whatever  vous avait lancé à l’annonce de votre achat (auquel vous avez, nous l’espérons, répondu par un bon : « Ah ba oui, de la musique avec des mélodies (mais n’est-ce pas la définition de la musique ??), c’est sûr, tu connais pas toi… Retourne donc te toucher au Katerholzic avec tes DJ en carton, et lass mich in Frieden. Pôv’ type »). C’est sûr, Lana Del rey, ce n’est pas hyper coooool comme Ricardo Villalobos (*bruits de vomissement*) –. Revenons sur le public allemand et ses curiosités. Quand la belle se fait attendre, il se met à siffler, chose improbable et impensable en France. Ensuite, vous avez votre espace vitale, là où vous seriez serré comme une sardine prête à violemment en découdre dans une des salles de l’Hexagone. Ça ne s’excite pas trop, ça ne chante pas très fort, ça reste allemand. Avantage : vous êtes dans votre petite bulle avec personne pour vous faire chier. Inconvénient : pour l’ambiance électrique, moite et quasi christique propre à l’hystérie française, on repassera.

C’est sur une scène mi gothique mi « Bienvenue à Palm Beach » que Lana Del Rey apparaît pour ouvrir le concert sur Cola. Elle prend le temps de descendre dans les premiers rangs, d’embrasser ses fans et de ramasser les cadeaux qui lui sont frénétiquement adressés. Elle est belle (même si on n’a pas été convaincu par sa robe… Oui, fallait bien qu’on critique einh, on est française quand même), un peu irréelle comme dans ses vidéos. Fait intéressant, au contraire de la plus part de ses consœurs superstars, Lana Del Rey n’est pas une performeuse. Elle ne se met pas à se déhancher comme une professionnelle du Hustler (ou comme Rihanna, ça dépend des références). Elle n’harangue pas non plus la foule comme le ferait une Lady Gaga dans ses moments « Do it like Johnny Rotten ». Au contraire. Magnétique quand elle chante, elle apparaît timide quand la musique s’arrête. Complètement investie par ses chansons, elle les vit pleinement mais d’une façon très introvertie, sans épanchement, parvenant néanmoins à les porter vers une dimension bien différente de celle proposée sur album. Une fois la musique terminée, elle apparaît néanmoins délicieusement gauche. 


Du coup, les hits s’enchainent à une folle cadence et ils y passent tous: Gods & Monsters, Ride (illustrée par son magnifique clip), Blue Velvet, Like An American, Million Dollar Man, Summertime Sadness, Born To Die, Video Game (où enfin la foule reprend les paroles), et bien entendu Blue Jeans. La chanteuse se permet même une reprise très réussie de Heart-Shaped Box et Knocking On Heaven’s Door. La réorchestration live est excellente, permettant à certaines chansons dont Burning Desire et surtout National Anthem de trouver un tout nouveau souffle. Les musiciens sont parfaits, et quant à elle, sa voix boostée par l’émotion évidente de l’interprétation live laisse pantois. Bref, nous avons passé deux heures subjuguées par une musique en état de grâce. Et c’est sur National Anthem que la belle disparaît (littéralement), après être redescendue dans la fosse et avoir remercié en « espérant revenir et continuer à jouer ma musique ». 
Nous aussi Lana, nous aussi.



 Ride


New track for The Great Gasby

1 commentaire:

  1. C'est vrai, très bonne acoustique en effet, ça devait dépoter pour Motorhead! On n'a pas vu pour la bière par contre, dommage... Mais bon, la prochaine fois on ira à un concert de métal, histoire de vérifier :)

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